Courir au féminin
La coureuse – et Ironman – Karine Champagne a créé le groupe des Mères-Veilleuses pour encourager les femmes à se mettre à l'horaire et s'accorder du temps juste pour elles. Son objectif? Devenir un mouvement aussi connu que le Grand Défi Pierre Lavoie. Voir grand, vous dites? Visionnaire plutôt, car la course au féminin est en plein essor.
En 2013, les femmes représentaient 52 % des participants aux courses sur route du Québec, surtout pour les distances de 5 à 21 km. Josée Provost, propriétaire de la Maison de la course à Saint-Hilaire et entraineur de course à pied, explique cet engouement par le fait que la course se démocratise et attire de plus en plus de femmes sédentaires qui veulent se prendre en main et qui se décident à bouger. La course est un sport où elles se mesurent à elles-mêmes et non aux hommes, qui se pratique n'importe où et n'importe quand, tout en demandant au minimum qu'une bonne paire de souliers... « Et un bon soutien-gorge de sport! », dit-elle en riant. Une pièce d'équipement souvent sous-estimée, mais indispensable! C'est aussi un sport où on peut s'améliorer rapidement et créer de belles amitiés.
.
Jinny Martin, 34 ans, de Thetford Mines est passée il y a deux ans de sédentaire à coureuse et carbure maintenant aux endorphines. Elle court surtout en solitaire à l'aube, pour voir la brume se lever et apercevoir les premiers rayons de soleil, des moments magiques où elle se sent vraiment en vie et en harmonie avec son corps et son environnement. Trois à quatre fois par année, elle participe à des courses organisées pour le plaisir de se retrouver entre amis. Elle prévoit faire son premier marathon en 2015.
Sophie Ducharme, 47 ans, entretenait une relation de haine avec la course à pied jusqu'au jour où elle décide, sur un coup de tête, de s'inscrire au défi des Sem'elles pour courir à relais avec une quinzaine de femmes, la distance entre Toronto et Beloeil. Une expérience qui a changé sa perception de la course. Maintenant entraineur pour les ateliers Courir 101 à la Maison de la course à Beloeil, elle aide celles qui veulent apprivoiser ce sport. Elle participera cette année avec son conjoint au Défi Montréal-New York à relais de la Fondation Esprit de Corps en mai, ainsi qu'au Demi-marathon de Philadelphie à l'automne. Contrairement à Jinny, c'est le soir et la nuit qu'elle adore courir à cause du calme enveloppant.
5 Conseils de coach pour les coureuses
1. Ne vous comparez pas aux autres, mais plutôt à vous-même.
2. Concentrez-vous sur votre respiration et votre foulée, pour en faire un mantra qui vous aidera à passer au travers des moments les plus difficiles.
3. Investissez dans de bons souliers de course et un soutien-gorge de sport assurant un bon maintien. Ce sont les deux pièces d'équipement les plus importantes pour les coureuses.
4. Soyez constante dans vos entrainements et courez au moins trois fois par semaine. Commencez progressivement et augmentez graduellement la distance et le temps, on ne devient pas marathonienne en cinq semaines…
5. Écoutez votre corps et n'attendez pas d'être blessée pour vous occuper de vous.
|
Caroline St-Hilaire, 44 ans, est mairesse de Longueuil. Son horaire est réglé au quart de tour, mais elle trouve toujours une place dans sa journée pour aller courir, même si ça lui demande de se lever plus tôt. L'an dernier, elle a décidé de relever un défi un peu fou, soit de s'inscrire au Défi Montréal-New York où en 16 semaines, elle est passée de sédentaire à coureuse. Malgré le scepticisme de ses enfants, elle a réussi ce défi avec brio en courant 84 km en trois jours. Depuis, elle court trois ou quatre fois par semaine, pour faire face au stress de son travail, mais aussi pour sa santé mentale.
Jacqueline Gareau court depuis très longtemps. Elle a gagné de nombreuses courses prestigieuses, dont deux premières places au célèbre Marathon de Boston (la seule Canadienne à ce jour à avoir réalisé cet exploit), avec un chrono de 2 h 34 min 28 s. Cette athlète, maintenant dans la soixantaine, court toujours et fait même des triathlons! On a toutes nos raisons personnelles pour commencer à courir. Pour elle, c'était un désir d'arrêter de fumer à 21 ans. Elle a toutefois vite compris qu'elle avait du potentiel, car même après trois heures de course, elle n'était presque pas fatiguée. Pour elle, la course amène un sentiment de liberté, une connexion avec soi-même, mais pas question de courir sur un tapis roulant : la nature et le décor font partie intégrante de son expérience. « L'important, c'est de trouver un équilibre dans son entrainement, du plaisir à courir et de ne pas viser seulement la performance », dit-elle. Elle se rappelle une course à Los Angeles en 1984, six mois avant les Olympiques où elle a eu l'impression de danser sur le parcours, d'avoir des ailes. Elle était confiante physiquement et mentalement et a battu une coureuse néozélandaise que l'on disait plus forte qu'elle. Un sentiment d'exaltation dont elle se souvient encore. À l'opposé, six mois plus tard, elle vivait la plus grande déception de sa carrière lors de ses premiers Olympiques qu'elle a eu de la difficulté à terminer en raison d'une blessure au muscle fessier dû à un surentrainement. C'est pourquoi, maintenant, elle explique aux coureuses à quel point il est important d'écouter son corps et de ne pas attendre d'être blessée pour prendre soin de soi.
Jacqueline Gareau a inspiré Annie Perreault, 39 ans, une coureuse rapide qualifiée pour le Marathon de Boston qu'elle refera au printemps. Quand elle a commencé à courir à 34 ans, c'est surtout pour la simplicité et la flexibilité que ça lui procurait, étant mère de jeunes enfants. Cette année-là, elle s'est fixé comme objectif de courir le Marathon de New York avant ses 40 ans, défi qu'elle relèvera cette année, une semaine avant sa fête. Ce sera son sixième marathon! Elle aime l'idée de transmettre à ses enfants le gout de se dépasser par le sport. D'ailleurs, elle mettra sur pied au printemps un club de course parents-enfants à l'école primaire que fréquentent ses enfants. Une belle façon de préparer la relève.
Parlant de relève, le Grand Défi Pierre Lavoie au secondaire a permis l'an dernier à 1 305 filles de 75 écoles secondaires et de quatre cégeps de relier la distance à relais entre Saguenay ou Québec et Montréal. Cette année, 100 écoles participeront au défi en mai, une belle façon d'initier les jeunes filles à la course.
D'ailleurs, c'est au niveau du cégep, à 18 ans que Bianca Paquette maintenant âgée de 22 ans a commencé à courir. Déjà très sportive, la course est devenue une vraie drogue pour cette fille de communication qui enseigne aussi la remise en forme dans un centre sportif. Elle court jusqu'à six fois par semaine, suit les programmes d'un entraineur et participe régulièrement à des courses sur route, dont le demi-marathon d'Ottawa en mai dernier. Pour se motiver, elle se monte même des équipes de partisans le long des parcours pour l'encourager dans les endroits les plus difficiles ou cueillir un chandail dont elle n'a plus besoin au passage.
En plus des courses sur route, elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer à l'assaut des sentiers pour faire un pied de nez au bitume. Mélissa Rattue, médecin urgentologue, a cofondé le club Vivactive dans les Laurentides. Chaque semaine, plus d'une centaine de coureuses des bois s'entrainent dans les sentiers tout en s'amusant. C'est excellent pour développer la persévérance et la force mentale pour continuer de courir même quand c'est difficile et que nos muscles crient « au secours ».
Joannie Tremblay-Pouliot, 26 ans, est médecin au Nunavik où elle passe les deux tiers de l'année. Elle court, peu importe la température, même à moins 40 avec le vent qui souffle sur la toundra. Son secret est de porter plusieurs épaisseurs, une cagoule et des lunettes de ski. Malgré tout, elle termine ses courses avec les cils enneigés. Là-bas, seuls les étrangers courent et les chiens les accompagnent souvent dans leurs courses pour leur mordiller les mollets. Les Inuit comprennent mal que les (étrangers) courent juste pour le plaisir, sans avoir un but comme celui de chasser le caribou, ce qui provoque bien des sourires et des éclats de rire des enfants tout au long du parcours de Joannie.
Courir en groupe c'est motivant, c'est pourquoi on voit de plus en plus de clubs de course spécialement destinés aux femmes. C'est dans cette vague que Marianne Long a créé Mission F3 à Montréal en 2012. Elle voulait un club dans lequel l'accomplissement personnel et le dépassement de soi seraient les piliers pour permettre aux femmes de se réaliser par le sport et pas juste par leur emploi et leur famille. Cette année sera sa troisième saison et elle ouvrira aussi une succursale à Valleyfield. Même chose pour Mary-Lou Butterfield, coureuse de l'Estrie et entraineur – qui a fondé Courir pour se découvrir –,qui amorcera sa quatrième saison des « lundis des dames ». Même le magazine a créé son club de course! Que ça soit par le biais de cliniques ou de clubs féminins ou mixtes, l'objectif est de permettre aux femmes de se dépasser tout en partageant leur passion avec d'autres.