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  • Crédit: Jay Petersen, Shutterstock

La science du ski hors-piste

Depuis quelques années, le ski hors-piste ne cesse de gagner en popularité, mais le nombre de secteurs accessibles et sécuritaires limite sa pleine expansion. Afin de remédier à la situation, la Coop Accès Chic-Chocs a développé une expertise dans le développement de secteurs de ski hors-piste qui vise à maximiser les sensations des skieurs tout en conservant la biodiversité.

Des champs de neige, il n’y en a pas à tous les coins de rue au Québec. Et il est plutôt rare de trouver de belles percées naturelles sur une montagne sauvage qui permet de skier de manière sécuritaire. Dans une sapinière par exemple, la régénération en sous-étage fait en sorte qu’il est presque impossible d’y skier. Les adeptes du hors-piste sont donc souvent confinés aux champs de neige. Et les sites reconnus commencent à être surexploités : il est de plus en plus difficile de « dévierger » une piste.

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En 2009, le Chic Chac, la Vallée Taconique, Ski Chic-Chocs, Eskamer et Vertigo aventures, cinq entreprises gaspésiennes, ont décidé de prendre les choses en main et de fonder la Coop Accès Chic-Chocs afin de créer un outil de développement commun pour favoriser les activités de plein air dans les Chic-Chocs. Dans un premier temps, la coop s’est concentrée sur l’aménagement de secteur de ski hors-piste. Démarrée de manière modeste, l’entreprise a acquis beaucoup d’expérience au cours des quatre dernières années en diversifiant les domaines skiables. 

Pendant sa formation en génie forestier à l’Université Laval, Bruno Béliveau, maniaque de ski et chargé de projet pour la coopérative, ne cessait de se poser des questions sur l’aménagement des sous-bois réalisés en centre de ski. « Comment peut-on garantir une bonne qualité de glisse et maintenir de bonnes quantités de neige? Comment peut-on maximiser l’expérience du skieur en la renouvelant continuellement? Comment peut-on mettre en place un aménagement qui perdurera dans le temps? » se demandait-il.

Avec les premiers contrats d’aménagement de ski hors-piste, la coop a pu mettre en application les principes sur lesquels elle avait réfléchi : « Par le passé, quand on aménageait des sous-bois traditionnels, on coupait les jeunes tiges en sous-étage et on gardait les gros arbres, dit-il. Aujourd’hui, dans les forêts que l’on aménage, on garde beaucoup plus de tiges à l’hectare et on conserve les jeunes tiges », dit Bruno Béliveau. La pérennité des sous-bois traditionnels dans les forêts de conifères est particulièrement vulnérable, car la coupe des jeunes repousses élimine la relève. « On essaie de voir les principales caractéristiques de la forêt pour que ça se poursuive dans le temps », ajoute-t-il. Ainsi, la Coop travaille à maintenir les essences et la diversité d’âge des arbres.

Mais l’aménagement de secteurs de ski hors-piste n’est pas qu’une question de biodiversité et de pérennité. C’est aussi une question de plaisir. « On est à l’écoute de ce que la forêt nous suggère à la base afin de trouver le meilleur compromis entre la pérennité de la forêt et le plaisir du skieur », souligne de son côté Guillaume Molaison, vice-président de la coopérative et propriétaire du Chic Chac à Murdochville. Le design des aménagements est donc fort différent dans des milieux où la poudreuse est de mise que dans un sous-bois traditionnel. « On ouvre des corridors avec plusieurs ilots pour créer des choix de virages et de plus grands rayons. Ainsi, en fonction de la pente et du degré d’inclinaison, le skieur peut prendre assez de vitesse pour flotter et améliorer l’expérience de glisse », explique Guillaume Molaison. « Et en plus, c’est mieux adapté à différents types de skieurs, car les virages ne sont pas trop serrés », ajoute Bruno Béliveau.

La Gaspésie d’abord

La coopérative a d’abord mis en place une stratégie pour développer le ski hors-piste en Gaspésie. Ainsi, de nouveaux secteurs de ski hors-piste ont vu le jour sur les monts York et Porphyre, à Murdochville, dans Vallée Taconique et dans un secteur communautaire, sur le mont Lyall. « On va donner le mérite aux élus, car ils nous ont écoutés et ils nous ont fait confiance. Ils ont même réaffecté des fonds publics vers nos activités », dit Bruno Béliveau. Cette année, des sommes du programme de développement régional et forestier ont été utilisées pour développer de nouveaux secteurs. Plus de 90 000 $ ont été investis pour les aménagements sur le mont Lyall au cours des trois dernières années, dont 20 000 $ cette année.

Mais au-delà des sommes nécessaires pour effectuer le travail, plusieurs contraintes bureaucratiques ralentissent les processus pour obtenir les autorisations nécessaires à la réalisation des aménagements. Et encore une fois, le soutien des élus est nécessaire. Pour Allen Cormier, préfet de la MRC de la Haute-Gaspésie, il ne fait aucun doute que la neige est un de leurs meilleurs outils de développement régional : « Notre produit d’appel est le parc de la Gaspésie et nous devons y greffer d’autres activités, comme le ski hors-piste, pour assurer la diversification de notre offre touristique », dit-il.

Dans la Vallée Taconique, à Mont-Saint-Pierre, la coop a développé de nouveaux secteurs pour diversifier l’offre de ski hors-piste. « On voulait offrir un défi plus relevé avec une pente plus forte où l'on retrouve une forêt plus mature », explique Giovanni Mancini, président de la coopérative et de la Vallée Taconique. « Nos aménagistes, qui sont des skieurs et des ingénieurs forestiers, ont développé, au fil des ans, une vision qui permet de maximiser la conservation et l’expérience de ski », précise-t-il.

Tranquillement, la Coop gagne en notoriété et commence à recevoir des mandats à l’extérieur de la Gaspésie. En 2012, l’équipe de Bruno Béliveau a participé à l’amélioration des aménagements du secteur de ski hors-piste au Massif de Charlevoix, sur le mont à Ligori. « Pour offrir une expérience de qualité et sécuritaire à nos skieurs, on voulait que ça soit fait dans le sens du monde. Ça prend une expertise particulière pour ouvrir une « piste » dans un terrain très accidenté », a commenté le directeur général de la station, Frédéric Sujobert.

Au boulot!

Sur le terrain, l’équipe de la Coop Accès Chic-Chocs est composée de quatre à six abatteurs manuels dirigés par un contremaitre. Comme le travail est très dangereux, le plan d’urgence est toujours bien défini. « C’est un travail difficile et dangereux, mais pour des skieurs, c’est un travail extrêmement valorisant. On est toujours excité. On a toujours hâte de voir de quoi la piste aura l’air en hiver. Ce qui fait qu’on travaille avec le sourire, car ça nous connecte avec notre passion », affirme Bruno Béliveau.

L’automne dernier, c’est à Val-d’Irène, dans la vallée de la Matapédia, que l’équipe de la Coop Accès Chic-Chocs a mis son expérience à profit pour développer le secteur de la zone Blanche, sur la montagne voisine. « Ce sont les meilleurs dans le domaine », estime Théophile Cartier, directeur général de la montagne, qui souligne que l’aménagement forestier est un monde totalement différent du ski. Dans la phase 1 du développement de ce secteur, trois « pistes » principales comprenant plusieurs couloirs ont été aménagées. Cout de l’opération : 20 000 $. Si l’achalandage est à la hauteur des attentes, une phase 2 viendrait ajouter quatre autres « pistes » dans ce secteur.

L’an dernier, la coop a aussi commencé à intégrer des modules et des plateformes aériennes pour créer des parcours « super naturels », comme ce que l’on retrouve dans la compétition Red Bull Supernatural. De tels parcours ont été construits sur le mont York, dans la Vallée Taconique et à Val-d’Irène. « On veut que les gens ne soient pas gênés de faire la distance pour venir nous voir », lance Guillaume Molaison.

L’aménagement de secteur de ski hors-piste, « c’est une science où il y a des paramètres à l’infini! On en apprend tous les jours », selon Guillaume Molaison. Dans le futur, la Coop Accès Chic-Chocs souhaite faire bénéficier les autres régions de l’expertise qu’elle a développée « avec des fonds publics ». Elle travaille déjà avec différentes stations de ski du Québec sur de nouveaux secteurs qui devraient apparaitre au cours des prochaines années. Des projets d’expansion du domaine skiable à Jay Peak et à Sugarloaf sont aussi dans la mire des aménagistes du hors-piste.

 
Commentaires (1)
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Patrice Halley - 05/03/2014 14:07
Merci pour cet article et la Science du ski hors piste. Ce qui m'ennuie franchement c'est que comme d'habitude au Québec, sous prétexte de rendre l'accès de secteurs hors piste «sécuritaires» on va réglementer et tarifer; ce qui ne laisse pas de place à l'individu pour apprendre, s'informer, s'équiper et s'émanciper dans la pratique d'un sport ou la liberté de se déplacer, d'évaluer et même de risquer sont des actes prépondérants. Après 10 années de pratique en hors piste dans les montagnes de l'ouest canadien et américain (sans accident) ce que j'ai apprécié le plus c'est la totale liberté d'accès, l'absence de réglementation et le fait qu'on laisse aux individus la capacité d'utiliser leur bon sens, à leurs risques et périls plutôt que de les administer et de les materner en les berçant tendrement dans la sécurité. En hors piste, il n'y en a pas de toutes façons. Il n'y a qu'à voir les compagnies même les plus réputées de cat et héli ski qui même avec des experts à leur service perdent des clients. Laisser la montagne aux montagnards, proprement équipés et formés oui, ou à ceux qui veulent le devenir et arrêtez de «développer» des produits et de faire de la province une base de plein-air réglementée. Un principe simple, dans l'ouest sur les pentes des centres de ski, il y a un contrôle pour l'accès au hors-piste, le skieur doit posséder: sa pelle, sonde, et arva et être en groupe de deux ou trois. Après, vous êtes LIBRES! Et bizarrement, les accidents sont rares sauf quand des Québécois arrivent, se perdent er meurent, comme à Revelstoke il y a quelques années. On se demande bien pourquoi!