Mieux performer grâce au yoga?
Divers cours de yoga spécifiques se multiplient ces derniers temps : yoga pour la course, l’escalade, le hockey, etc. Leur efficacité réelle suscite des interrogations : certains se questionnent même à savoir si adapter ainsi la pratique du yoga ne risque pas de le dénaturer.
À priori, on pourrait penser que yoga et sport ne font pas bon ménage. Le cliché veut d’ailleurs que le yoga soit pratiqué par des individus frêles, flexibles et majoritairement de sexe féminin, légèrement ésotérique dans laquelle le chant et le chakra occupent une place prépondérante. Cette vision est bien évidemment réductrice et les mœurs changent rapidement. De nombreux athlètes – dont plusieurs grosses pointures de la LNH, de la NFL et de la NBA – font régulièrement du yoga depuis plusieurs années. Même la terrifiante équipe de rugby néo-zélandaise All-Blacks y fait appel. On repassera pour la délicatesse!
Un concept parmi tant d’autres
Le groupe YogaSport est spécialisé dans le yoga pour sportifs. Avec ses programmes conçus pour améliorer les performances et réduire des blessures, le produit offert par YogaSport s’adresse avant tout à ceux et celles qui pratiquent un sport intensivement. Jusqu’ici proposés dans quatre disciplines distinctes (hockey, patinage artistique, soccer et course à pied), les cours ne sont pas uniquement orientés vers la pratique du yoga : « Nous proposons un mix de yoga, mais également de Pilates et de gymnastique posturale », souligne Annie Trudel, directrice des programmes chez YogaSport.
Articulée autour de thèmes biomécaniques propres à chaque discipline, l’approche de YogaSport repose sur l’idée d’éveiller l’athlète au fonctionnement de son corps dans le contexte de son sport. Amy Walsh, ancienne membre de l’équipe canadienne de soccer féminin et professeure chez YogaSport, explique que l’objectif n’est pas tant de créer des postures uniques que de donner des outils pour comprendre pourquoi celles qui sont proposées sont pertinentes : « C’est en amenant ces différents aspects et en les intégrant à des postures précises qu’on les rend plus spécifiques à une discipline », note-t-elle.
Le yoga comme activité psychomotrice
Selon Jean-François Brunelle, préparateur physique pour les Patriotes de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), il est nécessaire de considérer le yoga sous l’angle psychomoteur pour bien en saisir tous les bénéfices sportifs : « Le yoga offre une possibilité d’entrainement postural très global. Il permet de mettre l’athlète en contact avec son répertoire de postures et d’ainsi en faire surgir les forces et les faiblesses. Nous ne sommes donc pas dans l’entrainement isolé, mais bien dans la motricité globale », affirme celui qui utilise le yoga pour la préparation de ses propres athlètes.
Jean-François Brunelle poursuit son explication en insistant sur l’importance des compétences posturales chez l’athlète : « Prenons l’exemple d’un bébé. Lorsqu’il nait, son tonus se développe tout d’abord du haut de la colonne vertébrale jusqu’au sacrum. Ce n’est qu’une fois ce développement complété que le bébé peut ensuite distribuer de la force dans ses membres. Il en va de même pour l’athlète. Lorsqu’il est plus compétent dans son répertoire postural, il peut forcer ses bras et jambes à communiquer et à agir en liaison avec son torse. » Le préparateur physique parle même de « contamination positive sur le reste des qualités motrices d’un athlète » pour décrire les bienfaits qui découlent du yoga. Il souligne également le rôle qu’une telle pratique est susceptible de jouer dans la prévention des blessures : « On peut supposer qu’un athlète qui dispose d’un riche répertoire moteur aura plus de chances de se sortir sans blessures d’une situation à risques », avance celui qui a justement écrit son mémoire universitaire sur le sujet.
« Pas un entrainement! »
Si le yoga suscite beaucoup d’enthousiasme chez les sportifs, c’est parce que ces derniers en bénéficient énormément dans leur pratique sportive. C’est à tout le moins la lecture que Lyne St-Roch, professeure de yoga et propriétaire des studios du même nom, fait du phénomène de mode actuel : « Un yoga dispensé par un entraineur aura inévitablement la couleur de ce dernier. Il l’amènera à son propre niveau de conscience. C’est essentiellement ce qu’on retrouve sur le marché actuellement », soutient la diplômée en sciences de l’activité physique.
À son avis, c’est manquer de respect au yoga que de strictement le considérer comme une forme d’entrainement. Selon elle, les deux choses sont bien distinctes : « Quand tu t’entraines, tu t’entraines. Quand tu fais ton yoga, tu fais ton yoga. Tu ne fais pas les deux en même temps. Tu ne peux pas aller faire ton yoga et t’entrainer. Oublie ça! Le yoga n’est pas un entrainement! »
Bien qu’elle offre elle-même des cours de yoga pour sportifs dans ses studios, Lyne St-Roch insiste sur les nuances dans la manière dont elle les dispense : « Quand un sportif s’amène sur le tapis, ce n’est pas dans une perspective d’entrainement, mais de présence, de contre-balancement à sa discipline », estime celle qui a pourtant baigné dans l’univers de la performance sportive pendant de nombreuses années.
Tout en rappelant au consommateur/sportif sa responsabilité de vérifier les compétences de celui ou celle qui lui enseigne, la professeure insiste sur la fonction réelle que le yoga devrait tenir chez lui : « Le yoga offre un nouveau regard sur la relation que l’on entretient avec son sport. Il permet de se dissocier du mental, de son sport, de la performance. C’est ça, le yoga, et c’est ça qui fait du bien au sportif », conclut-elle sur une note philosophique.