André Laperrière : « Monsieur sécurité »
Dans le monde de l’escalade, André Laperrière a eu plusieurs vies : ouvreur de voies au Québec, formateur et enseignant, inspecteur des sites d’escalade, concepteur d’équipement, cascadeur pour le cinéma, etc. Avec 40 ans d’expérience de grimpe, il connait les règles et les questions de sécurité mieux que quiconque.
Vous intervenez pour la Fédération québécoise de la montagne et de l'escalade (FQME) dans les camps et bases de plein air pour inspecter leurs parois d’escalade. En quoi cela consiste-t-il?
La FQME donnait des formations dans les camps vacances du Québec et comme formateur ayant une expérience en installation d’ancrages dans le cadre de mon travail, j’ai vite réalisé la problématique. En 2004, nous avons produit un premier rapport pour informer le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) de la situation. Très rapidement, il a débloqué les fonds nécessaires pour que notre équipe fasse un rapport pour chaque camp de vacances. Ces rapports décrivaient l’état des sentiers, des parois, des ancrages ainsi que les correctifs à apporter pour être conforme. Plus de 32 camps ont été visités par nos équipes de mise à niveau. Les camps qui le désirent peuvent contacter la FQME pour une inspection de leur site d’escalade qui applique les normes de l'Union internationale des associations d'alpinisme et suit les recommandations des fabricants à la lettre. Malheureusement, certains grimpeurs non qualifiés se sont improvisés et le travail a dû être refait.
Quels sont les efforts que doivent faire les camps pour améliorer davantage leurs installations?
Les camps doivent faire un suivi régulier de leurs installations en suivant les recommandations et les normes en vigueur mises en place par la FQME. Les camps membres de l’Association des Camps certifiés du Québec ont participé à ce programme de mise à niveau. Dernièrement, nous avons eu des cas problématiques de personnes qui utilisaient l’intimidation et la diffamation sur Internet pour faire valoir leur point de vue et passer outre les recommandations de la FQME. Les bénévoles ne sont pas assez supportés dans ces conflits et notre fédération devra travailler sur ce problème que personne ne veut encore prendre en main.
Comment jugez-vous l’état des parois d’escalades au Québec?
Nos installations sont sécuritaires, grâce à une bonne diffusion de l’information et de la formation. Cependant, on peut toujours faire mieux et nos clubs sont nos gardiens et assurent un suivi bénévole sur les sites fédérés. Il y a des exceptions, des grimpeurs qui ne désirent pas faire partie d’une fédération. C’est légitime, tant que les normes sont respectées.
Vous êtes l’inventeur de la longe Dynaconnexion. Qu’est-ce ce que c’est?
Cette longe est un anneau de corde dynamique cousue sur elle-même pour offrir plusieurs points d’attache. Elle permet de s’auto-assurer rapidement au relais avec un lien dynamique. Elle est plus résistante et plus légère qu’une longe confectionnée avec une corde et des nœuds. Cette longe transfère 50 % moins de force du choc sur vous et sur votre équipement qu’une sangle. Lors de l’installation d’une moulinette en haut d’une paroi, il est fréquent de voir des grimpeurs en situation de facteur de chute important. Cette longe dynamique permet de réduire considérablement la force du choc transmise sur l’ancrage en cas de chute. Lors du rappel, elle rend la manipulation plus facile tout en gardant ses avantages dynamiques.
Comment vous est venue l’idée d’une telle invention?
Au début des années 2000, la confection de longe se faisait à partir de cordelettes ou de cordes de petit diamètre. C’est ce qui était enseigné dans les écoles d’escalade au Québec. À l’automne 2003, à la suite d’une formation, un préposé dans une boutique spécialisée en équipement d’escalade m’a fait part de ses réserves sur ces longes. Il y avait clairement un manque d’information sur les limites d’utilisation de ces dernières. Il me semblait impératif d’obtenir plus d’informations sur l’utilisation sécuritaire de ces longes, afin de mieux informer les grimpeurs. J’ai donc conduit plus de 200 tests statiques et dynamiques, avec la participation de Cordages Barry. Les résultats alarmants nous démontraient qu’une chute de facteur 2, réalisée sur le type de longe enseignée, pouvait provoquer une rupture dès la première chute ou une rupture définitive dès la deuxième chute. J’ai émis des recommandations très claires pour les longes fabriquées avec un bout de corde et présenté l’ensemble des résultats en 2004 lors d’une l’assemblée générale des membres de la FQME. Puis, j’ai confectionné plusieurs variantes de longes en m’inspirant de ce que les grimpeurs utilisaient pour aboutir à ce produit.
En 2007, j’ai présenté ma longe au fabricant de cordes Michel Beal. Elle est aujourd’hui vendue à travers le monde!
Vous travaillez comme cascadeur pour les films, comme sur le tournage du film X-Men l’été dernier à Montréal. Quel est votre rôle sur les plateaux de tournage?
Comme cascadeur spécialiste en accrochage aérien, je fais l’installation de systèmes permettant à des acteurs ou à des cascadeurs de réaliser, par exemple, un saut à partir du troisième étage d’un édifice et atterrir en douceur. Avec l’aide de poulies et de cordages spéciaux, nous créons des combats incroyables qu’un être humain ne pourrait faire sans cette aide technique.
De toutes les activités que vous exercez, quelle est celle que vous préférez?
Pour moi, c’est indissociable! Pour inventer ou améliorer un produit, il faut être confronté à un problème à résoudre. C’est souvent dans le cadre de mon travail de cascadeur, de gréeur ou de grimpeur que je trouve l’idée. Cette recherche de solutions améliore ma sécurité au travail et en escalade. J’ai donné bénévolement des formations sur la pose d’ancrage pour l’escalade pendant plus de 12 ans, et c’est mon travail de cascadeur qui m’a permis d’absorber les couts liés à cette passion.
Encore plus
Son site Web : grimper.ca
Plus d’informations sur la longe la Dynaconnexion : bealplanet.com