Cave tubing au Bélize
Les nombreuses expéditions spéléologiques auxquelles j'ai participé au Mexique m'ont permis d'explorer de vastes espaces souterrains, inconnus de l'homme, dans des grottes parfois difficiles d'accès. Tous les récits, photos et conférences ne rivalisent toutefois jamais avec l'expérience vécue dans ces immenses galeries éloignées de la surface.
Le Bélize est un tout petit pays d’Amérique centrale situé juste au sud du Yucatan et à l’est du Guatemala. Il fut occupé par des pirates et des colons anglais après que la civilisation maya se fut effondrée. Grand voyageur au Mexique, j'ai souvent rêvé d'y faire le saut, sachant que les montagnes y abritaient des cavernes sans fin. Loin de la célèbre barrière de récifs de la côte caribéenne, les massifs des Mayas Mountains dictent la topographie de l'arrière-pays bélizien. La roche calcaire est depuis longtemps façonnée par le travail de l'eau, en dissolution et en érosion. De la route, on aperçoit les falaises blanches criblées de grottes. Il y a aussi ces sommets coniques et des aiguilles de pierre qui surgissent de la jungle. Les rivières disparaissent sous terre et réapparaissent au jour par d'énormes porches qui constituent des accès faciles à de fabuleux tunnels cachés dans l'obscurité éternelle.
« C'était l'expérience la plus incroyable de ma vie! », m'explique Ian Anderson, le propriétaire de Caves Branch, la première compagnie qui a développé le cave tubing au Bélize. Plusieurs années auparavant, il accompagnait un spéléologue pour visiter des sites de cérémonies mayas enfouis sous la terre. Ce fut un coup de cœur instantané et depuis, il a reçu des milliers de personnes dans un de ses multiples forfaits. Suivre une série de cascades en nageant, sautant ou sur une corde, descendre en rappel un abime sans fond dans la verdure ou glisser tranquillement sur les eaux noires d'une rivière sans étoiles : voilà le véritable cave tubing!
On doit profiter du séjour pour aller visiter les deux sites archéologiques de Xunantunich et Caracol, témoins importants de la civilisation maya. La cité de Caracol connut son apogée au VIIe siècle alors qu'elle était en guerre avec sa rivale Tikal, située maintenant au Guatemala. Les temples aux marches escarpées s'élèvent dans la forêt tropicale et ne sont pas encore assaillis par des hordes de touristes. |
Le principe est simple : on remonte une rivière à contre-courant pour revenir en flottant. L'équipement est minimaliste : maillot de bain, vieilles espadrilles et une lampe frontale peu puissante. Et l'indispensable tube : une chambre à air de camion pour le franchissement des biefs (lacs) trop profonds et la dérive ludique. Attention aux roches coupantes sinon... pffft! Nous sommes accompagnés de guides locaux expérimentés : leur formation en sauvetage fait figure de proue au Bélize.
Nous rejoignons la vallée en navette. La forêt luxuriante semble vouloir se précipiter du haut des parois calcaires. Après avoir empoigné le tube (familièrement appelée la tripe au Québec), nous pénétrons dans un mur de végétation dense sur la rive d'un cours d'eau. Nous croisons quelques méandres dans l'eau à mi-jambe et arrivons en face de l'impressionnant portail noir. Le vestibule de la résurgence est gigantesque et la lumière extérieure filtre au travers de feuilles vertes et de racines pendantes. Les échos des clapotis et des petits rapides s'ajoutent à ceux de nos exclamations. L'aventure commence!
Devant nous s'étire une vaste galerie tubulaire d'au moins 10 mètres de diamètre qui va serpenter sur des kilomètres. La progression est une combinaison de marche sur les bancs de sable, de traversée de cours d'eau au fond graveleux et d'équilibrisme sur des amas de blocs angulaires. En eau profonde, nous nous assoyons dans le tube et utilisons les bras pour ramer à contre-courant ou nous nous agrippons à la paroi pour nous propulser. Nos rires se mélangent aux échos de la rivière. La portée limitée de nos lampes laisse entrevoir des colosses fantomatiques et des vides inaccessibles. Après une bonne heure et demie d'efforts, nous atteignons une plage où nos guides s'affairent à installer nappe et victuailles. Puis, nous escaladons une section décorée de stalactites, stalagmites et coulées de calcite. Un endroit est jonché de fragments de poterie maya. Quel bonheur sublime que de dériver dans cet immense passage! Certains participants s'éclatent et leur exubérance les transforme en corsaires en quête d'abordages. Je pense à ces personnes qui figent dès que je les informe que j'explore des grottes : le cave tubing les réconcilierait avec leurs appréhensions! Au loin, une lueur et nous rejoignons un monde de verdure transpercé de rayons de soleil.
L'entreprise Caves Branch ne se limite pas à une brochette d'aventures souterraines : elle offre un hébergement raffiné de cabanes dans les arbres. L'architecture est soignée et le design intérieur est à la fois apaisant, fonctionnel et surprenant d'imagination. Éclairage électrique intégré, mais ne cherchez pas les prises ni le WiFi, car l'établissement veut vous débrancher du cyberespace. L'exploration de ma cabane dans les arbres a abouti sur le toit où j'ai déniché une baignoire, installée sous la canopée avec vue sur les dents de scie de la sierra. J'ai savouré ce bain sous les étoiles, interpelé par tous les sons nocturnes de la jungle.
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Ce reportage a été réalisé grâce au Bureau du tourisme du Bélize (travelbelize.org).