Nage en eau libre : se lancer à l’eau
Avec l'entrée du 10 kilomètres en eau libre aux Jeux Olympiques, de plus en plus de sportifs manifestent un intérêt pour les épreuves sportives de natation organisées en milieu ouvert. Voici des conseils d’expert pour ceux qui souhaitent suivre la vague!
La nage en eau libre est une épreuve d’endurance. Y est donc associé un certain volume d’entrainement. C’est environ 100 kilomètres que le jeune nageur Philippe Guertin cumule chaque semaine en vue de se préparer pour le Championnat du monde FINA qui se tiendra à Barcelone en 2014. Si l’on ne vise pas aussi haut et aussi loin, on peut s’en tirer avec moins d’entrainement selon l’épreuve à laquelle on s’inscrit. Les évènements « Initiation » ouverts à tous les nageurs, affiliés ou non à la Fédération de natation du Québec (FNQ), proposent généralement des parcours de 1, 2 et 5 kilomètres. Plutôt que de s’aventurer dans de longues traversées qui exigent un coéquipier-meneur en bateau, les nageurs y enchainent des boucles autour de bouées sur un parcours sécurisé avec des points de ravitaillement dans le cas des plus longues distances.
S’ENTRAINER POUR LA NAGE EN EAU LIBRE
Surprise : même les meilleurs nageurs en eau libre s’entrainent surtout en piscine. D’abord, la saison de la nage extérieure est courte au Québec : environ trois mois, au mieux, ce qui se résume plus ou moins à la saison de compétition… à laquelle il faut arriver préparé! Christopher Breault, nageur « amateur » qui participe à des épreuves de longue distance comme le tour de l’île d’Orléans (77 kilomètres en continu!), suggère de commencer sa saison en piscine dès le mois de novembre et de glisser des séances de musculation dans sa préparation hivernale.
En piscine, on n’enchaine pas que des longueurs : on « rentre des temps ». On est un peu loin du sentiment de douce liberté qu’on ressent en nageant dans un lac, mais on se rapproche de nos objectifs en développant la forme qu’il faut pour vivre une épreuve en circuit ouvert. Arrivé mal préparé à une telle épreuve, c’est se mettre en position d’abandon puisque même faire du sur place est « forçant »!
CHOISIR SON ÉPREUVE
- 5 km en eau libre correspond environ à un demi-marathon de course à pied;
- 10 km correspond environ à un marathon de course à pied;
- 10 km et plus, ainsi que les longues traversées, à un « ultra »;
- 1 km est un peu plus court que 5 km de course, même chose pour 2 km comparés à 10 km de course.
- Plus le point d’eau du défi est reconnu pour être agité, plus le défi sera grand.
EXERCICES DU COACH
Claude Saint-Jean est coach de natation depuis 42 ans. L’entraineur-chef de CAMO a amené bien des nageurs aux Jeux olympiques et à des Championnats du monde. Il partage des entrainements clés pour performer en eau libre :
> Développer sa vitesse et le bon rythme
« Un bon nageur en eau libre est un excellent nageur de 1 500 mètres. Il faut développer une bonne vitesse d’abord », explique Claude Saint-Jean.
- Enchainer les intervalles courts et rapides. Par exemple, faire 20 X 100 mètres sur 1 min 40 s en visant 58 secondes (le temps restant est le temps de repos).
- Répéter le rythme de compétition visé et le conserver. Si l’on a comme objectif 2 000 mètres en 40 minutes, on peut enchainer des intervalles de 100 mètres en 2 minutes et garder la récupération courte d’une quinzaine de secondes.
> Travailler son endurance
L’endurance se développe semaine après semaine avec le volume d’entrainement. Des séances en continu en lac sont aussi d’excellentes répétitions avant l’épreuve : « J’ai fait quelques sorties de quatre heures en lac avec mon père qui me suivait en canot », donne en exemple Philippe Guertin.
- Nager attaché : « Pour que mes athlètes nagent en continu en piscine sans l’aide des virages, je peux les attacher pour qu’ils fassent du sur place pendant un nombre prescrit de minutes », suggère son coach.
> Augmenter sa puissance
« Ça prend de la puissance pour nager à contre-courant », explique Claude Saint-Jean.
- Nager avec un pullboy sans « kicker » : « Je vais jusqu’à attacher les chevilles des nageurs pour qu’ils ne puissent pas tricher. C’est le haut du corps qui doit contribuer à l’effort! », insiste l’entraineur. Les palettes peuvent aussi être de bons outils pour travailler la puissance musculaire en augmentant le volume d’eau à tirer; avec leur utilisation répétée vient néanmoins un risque de blessure aux épaules.
- Nager en tirant une charge flottante : Il peut s’agir d’un bidon qui offre une résistance à l’eau, augmentant donc l’effort musculaire nécessaire pour avancer.
> S’orienter
« On voit souvent les débutants sortir la tête complètement hors de l’eau pour s’orienter à tout bout de champ. Technique épuisante! Il suffit de lever légèrement la tête et de regarder sur le côté vers l’avant juste le temps de son coup de bras », explique le coach.
- Pratiquer la technique de repérage à tous les 4, 6, 8, 10, etc. coups de bras.
S'ÉQUIPER POUR LA NAGE LIBRE
- Une combinaison isothermique pour étirer la courte saison de nage en eau libre en gardant le corps au chaud. De plus, sa flottaison rend les entrainements un peu plus sécuritaires… et aisés. À noter : son port n’est généralement pas permis en compétition!
- Un casque de bain en silicone pour éviter les pertes de chaleur par la tête.
- Un lubrifiant comme de la gelée de pétrole pour protéger la nuque et les épaules des plaies liées au frottement. Des nageurs experts s’en servent aussi comme couche isolante au lieu des maillots longs ou des combinaisons isothermiques.
- Des lunettes de natation avec des lentilles teintées ou photochromiques pour s’orienter même par un soleil aveuglant.
- Une montre pour les mordus de statistiques. Les plus geeks, surtout s’ils sont aussi triathlètes, voudront mettre la main sur la Garmin 910 XT qui calcule la distance parcourue et la vitesse, même dans l’eau. La marque PoolMate, qui offre nombreux modèles comptabilisant les longueurs, coups de bras et autres statistiques pertinentes lors des entrainements en piscine, a innové dernièrement en lançant une montre qui mesure en plus le rythme cardiaque.
CONSEILS D’ATHLÈTES
> Apprivoiser le lac avant l’épreuve : « Tu veux t’habituer aux vagues, au courant, à sa température et comprendre le lac. C’est obligatoire pour le maitriser le jour de l’événement et pour ne pas paniquer! », précise Philippe Guertin.
> Rester avec le peloton : « S’il est beaucoup trop rapide, tu laisses faire, mais ça vaut la peine autrement de faire un peu plus d’effort pour nager avec le peloton afin de profiter de l’effet de sillonnage. L’orientation est en plus facilitée! », dit le nageur.
> Doser : « Tu ne peux pas partir en fou dans une épreuve d’endurance. Il faut être patient et constant. La patience, tu la développes d’ailleurs en entrainement, parce qu’ils sont longs! », continue l’athlète.
> Nager avec le courant : « Quand tu nages contre le courant, il vaut mieux bien utiliser le haut de ton corps. Quand le courant t’aide, tu peux en profiter pour te reposer les bras un peu en « kickant » davantage. Mais tu dois t’attendre à une douleur musculaire constante pendant l’épreuve! » encourage l’athlète.
Olivier Hodson, jeune nageur qui a participé à des dizaines d’évènements en eau libre dont la Traversée du Lac-Mégantic, conseille surtout d’être très assidu dans son entrainement : « Il faut nager plusieurs fois par semaine, selon la distance de l’épreuve. Suivre un plan est important, parce qu’il est difficile d’improviser des entrainements en intervalles efficaces autrement. »
Encore plus
Pour poser des questions à des nageurs expérimentés ou pour s’organiser des sorties de groupe de natation en eau libre : quebeceaulibre.blogspot.ca
Consigne de sécurité
« Il est recommandé d’être suivi par un canot ou un kayak en entrainement pour s’assurer de sa sécurité et pour combler ses besoins en hydratation. Il faut aussi faire attention à la fausse sécurité que confère le fait de crawler dans un groupe. À moins d’être un sauveteur expérimenté, on ne peut pas faire grand-chose pour aider un nageur-ami en détresse », conseille le nageur Christophe Breault.
Si l’on est un nageur expérimenté, on peut maximiser les conditions sécuritaires en nageant tôt le matin, avant l’arrivée du trafic d’embarcations, près de la rive, avec un flotteur attaché au pied qui aura le double rôle de nous rendre plus visibles pour les autres usagers du lac et de nous servir de bouée de secours sur laquelle on pourra s’accrocher en cas de fatigue ou de malaise. C’est une dose de risque confortable selon le nageur et triathlète Christian Saint-Pierre. Il suggère toutefois de ne faire aucun compromis sur la qualité de l’eau : « Il faut toujours se renseigner au préalable sur la qualité de l’eau afin de s’assurer qu’on ne se planifie pas une sortie dans un nid à cyanobactéries », met en garde le nageur-ingénieur.
Événements
Odyssée dans le lac Davignon à Cowansville
Épreuves : 1 km, 2 km et 5 km
Renseignements : swimming.ca (dans la liste des épreuves)
Marathon de nage du Lac à Jim
Épreuves : 1 km, 5 km, 10 km en relai (équipe de 2 ou 3 nageurs) et 15 km (tous et élite)
Renseignements : lacajim.ca
Invitation provinciale Uniprix à Roberval
Épreuves : 1 km, 2 km et 5 km (et la Traversée internationale du lac Saint-Jean)
Renseignements : traversee.qc.ca
Invitation Saint-Maurice à Shawinigan
Épreuves : 1 km, 2 km et 5 km
Renseignements : fnq.qc.ca
Traversée internationale du lac Mégantic à Lac-Mégantic
Épreuves : 1 km, 2 km et 5 km (et la Coupe du monde de FINA)
Renseignements : lacenfetemegantic.com/la-traversee-internationale
Ces événements sont tous sanctionnés par la Fédération de natation du Québec. (FNQ) Les nageurs qui ne sont pas déjà affiliés à la FNQ par un club doivent payer une affiliation d’un jour, lors de leur inscription à l’évènement, au cout de 10 $.
Pour suivre les aventures d'un impressionnant et chevronné nageur en eau libre, consultez notre article Normand Piché : la nage de raison qui relate le périple d'un homme qui s'est attelé à la tâche de traverser cinq continents à la nage!