Danger public!
Vous ne le savez peut-être pas, mais les accidents qui surviennent en plein air peuvent vider votre portefeuille. Vaut mieux savoir quoi faire avant de partir… et contracter une bonne assurance!
Anik Lauzon a bien mal choisi son endroit pour se blesser à la clavicule en motoquad durant l’été 2007 : une forêt au nord de Saint-Michel-des-Saints. À la suite d’un appel de détresse, la jeune femme a été héliportée à l’hôpital de Joliette. La blessure était mineure, mais pas le montant réclamé par la compagnie AirMédic : 26 598 $. [NDLR : cette somme a été ajustée à 2659 $ après un reportage de l’émission La Facture, à Radio-Canada]
Quand on part à l’aventure hors des sentiers battus, on ne compte que sur soi-même. Mais en cas d’accident, on peut facilement se retrouver dans de beaux draps. Parlez-en à cette skieuse montréalaise qui s’est perdue à Jay Peak (au Vermont) l’hiver dernier : elle devra rembourser une grande partie des 70 000 $ engagés dans son sauvetage. Heureuse d’être en vie, elle en sera quitte pour une nuit blanche dans le froid… et une nouvelle hypothèque sur sa maison!
« Au Québec, certains coûts des sauvetages sont de responsabilité municipale », explique le directeur de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), Steve Castonguay. Ainsi, quand la police, les pompiers ou d’autres services sont appelés, c’est à la ville concernée de payer. « Mais celle-ci peut refiler la facture à l’usager s’il n’est pas résident. Alors, vaut mieux avoir une bonne assurance! », lance-t-il. Quand une opération de plus grande envergure est nécessaire, c’est le groupe d’intervention de la Sûreté du Québec qui est appelé à la rescousse. Heureusement, les énormes frais d’une telle recherche sont assumés par la Sûreté du Québec.
Pour éviter un réveil onéreux dans un lit d’hôpital, Steve Castonguay recommande aux amateurs d’escalade de joindre la FQME ou un organisme affilié. En devenant membre, l’adhérent est assuré contre ce type de mésaventure, et une partie des coûts de l’évacuation est remboursée par la compagnie (généralement de 50 à 70 % de la facture totale). « La Régie de l’assurance maladie du Québec couvre les soins médicaux que vous recevez dans un hôpital, mais pas les dépenses engagées pour le moyen de transport qui vous y conduit », rappelle Marc Lortie, porte-parole de l’organisme. C’est pourquoi il vaut mieux être assuré personnellement pour couvrir les frais.
Série noire Escalade Le 3 août 2002, les alpinistes Lucie Poirier et Jacques Veillette s’apprêtent à monter sur une plate-forme qu’ils ont fixée pour passer la nuit sur la paroi du Cap-Trinité, au Saguenay. Leur installation se rompt et le couple chute. Le lendemain, on constatera leur décès au bas de la falaise. Cet accident fatal est le dixième à survenir au Québec depuis 1990 durant des ascensions en montagne. Il s’est produit à peine un an après le décès d’Alexandre Adam, au mont Orford, le 9 juin 2001. Le jeune homme de 21 ans est mort après qu’une corde eut cédé, précipitant l’alpiniste dans le vide. Plus récemment, le 12 juin 2006, au parc du mont Wright, à Stoneham, la jeune Joanie Gilbert se tue au terme d’une chute de 17 mètres. Plongée En plongée subaquatique, on a rapporté 14 noyades entre 1996 et 2002. La situation a poussé la Fédération québécoise à repenser l’ensemble de ses mesures de sécurité. Eau vive Le monde de l’eau vive n’a pas été épargné par les décès. En plein festival du rafting, en 2004, un homme de 49 ans, Réal Carbonneau, a fait un plongeon mortel dans la rivière Magog sous les yeux des promoteurs. Cette tragédie suivait le décès de Raphaël Bernier, 5 ans, survenu dans la rivière Nouvelle (en Gaspésie) un an plus tôt. Même les pagayeurs aguerris ont été touchés. L’an dernier, deux canoteurs ont trouvé la mort dans la rivière Saint-Maurice. On se console Tous ces morts sont bien sûr de trop. Mais le plein air n’affiche pas un si mauvais bilan quand on le compare à d’autres activités extérieures. Le bureau du coroner a rapporté, entre 1990 et 2004, 26 décès de skieurs québécois sur des pistes de ski alpin. Depuis, d’autres tragédies sont venues alourdir ce répertoire. |
Mais l’assurance n’est pas que financière. La FQME, comme la plupart des fédérations québécoises de plein air, a publié des guides de sécurité comprenant les normes, exigences et procédures de sécurité qui permettent d’éviter aux aventuriers de se retrouver dans de fâcheuses positions.
En canot-camping, le recueil fait la synthèse d’une trentaine d’années d’expertise en matière de sécurité nautique. « Le guide n’a pas force de loi, mais il donne aux adeptes des orientations claires sur les pratiques sécuritaires », mentionne Pierre Trudel, directeur général de la Fédération québécoise de canot et de kayak (FQCK). En plus de présenter les mesures de sécurité à appliquer dans le grand terrain de jeu que constitue le territoire québécois, on y indique, par exemple, quel doit être le ratio de participants pour chaque accompagnateur pour une sortie en eau vive ou en lac. Il indique aussi les consignes de sauvetage et d’évacuation, qu’on soit en autonomie ou à l’intérieur d’un groupe organisé. Pour ce vieux routier du plein air, le canot et le kayak ne causent pas de très nombreux accidents, compte tenu du nombre élevé d’adeptes (les Québécois possèdent 244 000 canots, 12 000 kayaks de mer et 35 000 kayaks de rivière), mais il y a beaucoup de situations qui seraient « passées proches » de finir sur une mauvaise note. Selon lui, il s’agit habituellement de personnes qui croient être des pagayeurs expérimentés et qui s’attaquent à des projets démesurés. Ils réussissent à s’en sortir, mais surtout grâce à la chance! Le soir, autour du feu, ils racontent avec émotion comment ils sont « passés proche » d’y laisser leur peau…
Une description que partage le récréologue Daniel Gauvreau, du Conseil québécois du loisir : « Le principal problème des amateurs de plein air, au Québec, c’est le manque de jugement face à des situations risquées ». Pour celui qui a orchestré la publication des guides de sécurité pour le compte de cinq fédérations de plein air du Québec (le vélo et la plongée subaquatique suivront bientôt), la faute repose majoritairement sur les victimes elles-mêmes : « Quand il y a des accidents, c’est généralement la victime qui a sous-estimé le niveau de difficulté de son projet. »
L’exemple des noyades est probant : la plupart du temps, les personnes qui meurent ne portent pas leur vêtement de flottaison lorsque leur embarcation chavire. Deux décès de gens expérimentés ont secoué la Mauricie l’an dernier : Marc Lemay s’est noyé en pleine course de canots sur le Saint-Maurice, alors que Guy Tremblay a trouvé la mort lors d’un entraînement en vue de cette compétition. Ni l’un ni l’autre ne portait de VFI (veste de flottaison individuelle).
Le directeur général d’Aventure Écotourisme Québec (AEQ), Pierre Gaudreault, rappelle que l’étendue du territoire et la faible densité de population font de la province un endroit à risque, que ce soit sur des terres publiques ou dans des parcs nationaux. Lui aussi suggère aux amateurs de plein air d’engager l’une ou l’autre des 122 entreprises qu’il représente, car elles sont assurées contre les accidents. « Depuis quelques années, nous avons pris un virage à 180 degrés, côté sécurité. Aujourd’hui, chaque entreprise membre de notre regroupement est visitée et évaluée périodiquement. Si un membre ne respecte pas certaines conditions, il est exclu. »
Cela dit, toute activité comporte des risques. Un randonneur de 53 ans est décédé lors d’une sortie de raquette au parc du mont Tremblant, le 22 décembre dernier. Victime d’un arrêt cardiaque, il est mort sous les yeux de son guide et du groupe parti de Montréal le matin de l’excursion. L’activité était organisée par une entreprise bien connue et membre de l’AEQ. « La responsabilité de notre organisme n’est pas en cause, se défend le porte-parole de l’entreprise concernée qui préfère ne pas être identifié. Ce malaise aurait pu lui arriver n’importe où! » S’il est vrai qu’avant de prendre part à l’excursion, l’homme a rempli un formulaire de santé, un doute plane toujours sur la sécurité des usagers. Même la Sûreté du Québec classe ce décès accidentel comme « Information confidentielle » et refuse de répondre aux questions. Pourtant, dès qu’un accident mortel survient sur nos routes, tous ont accès aux noms et âges des victimes ainsi qu’aux circonstances de l’accident. Étrange qu’un tel manque de transparence s’installe lorsqu’on aborde les activités de plein air.
Que faire avant de partir? Les amateurs de plein air qui prévoient effectuer une sortie en région éloignée doivent informer quelqu’un de leur destination, de l’itinéraire, du jour et de l’heure de retour qui a été prévu. Ils doivent aussi établir un plan d’urgence au cas où ils auraient besoin d’être évacués. S’ils ne possèdent pas de téléphone satellitaire, un émetteur à ondes courtes pourrait les aider à communiquer avec la Sûreté du Québec. Un appareil de GPS les localisera avec précision. La Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade recommande à ses membres la prudence par une série de mesures : • Choisir un parcours respectant l’habileté technique de chacun. Il importe aussi de bien vérifier l’état du matériel avant de partir. • Acquérir une formation et des connaissances adéquates. Des cours d’escalade et de premiers soins doivent avoir été donnés par des personnes qualifiées. • Posséder de l’équipement sécuritaire. Le matériel recommandé par les fédérations est homologué par l’Union internationale des associations d’alpinisme ou le Comité européen de normalisation. • Être en santé et en bonne condition physique… et psychologique. La témérité augmente le niveau de risque! • Avoir la météo de son bord : annuler une sortie n’est pas un crime, surtout si on annonce des conditions météorologiques difficiles. |
Drames évitables
La sécurité des amateurs de plein air devrait donc être davantage prise en compte au Québec. Depuis 1990, une série noire d’incidents mortels a frappé les amateurs. Des drames sont survenus en canot, en rafting, en plongée subaquatique et dans d’autres activités. L’alpinisme n’y a pas échappé. Depuis 2002, quatre personnes sont mortes au Québec en pratiquant ce sport.
Steve Castonguay, qui rédige actuellement à l’Université Laval une maîtrise en santé publique sur les accidents d’alpinisme survenus en Amérique du Nord entre 1976 et 2007, rappelle que 80 % de ceux-ci résultent de chutes et 20 % d’objets qui frappent la victime. La plupart des 76 incidents répertoriés, qui vont de la simple contusion à la chute mortelle, auraient pu être évités si les grimpeurs avaient mieux évalué les risques auxquels ils s’exposaient.
Ailleurs, comme aux monts McKinley (en Alaska) ou Katahdin (au nord-est des États-Unis), un enregistrement est obligatoire pour tout nouvel arrivant avant d’accéder aux pistes. Mais une telle surveillance coûte cher et demande une organisation que la FQME ne peut pas assurer seule, faute de moyens suffisants.La FQME maintient des droits d’accès à un réseau de 22 sites où se pratique l’escalade : du parc Dufresne (à Val David) à la dalle Edgen (au Saguenay), en passant par les sites de neuf parcs nationaux. Personne n’accède à ce réseau sans être membre de la Fédération. Mais cela est minime quand on sait que 75 autres parois sont régulièrement utilisées par les grimpeurs québécois, sans compter les centaines de sites non répertoriés.
L’escalade est un sport qui gagne en popularité grâce à l’existence de près de 800 murs intérieurs qui attirent une nouvelle clientèle de tout âge et de toute condition physique. Mais plusieurs blessures surviennent quand on passe à l’extérieur, explique Steve Castonguay : « Les conditions ne sont pas les mêmes. Les intempéries, ainsi que la solidité du rocher et de la glace font que la technique, qui semble acquise sur des murs intérieurs, est beaucoup plus difficile à maîtriser en milieu naturel ». Pourtant, la FQME n’effectue aucune vérification des compétences des adeptes avant de leur remettre une carte de membre…
Pour le canot, il est impossible de contrôler l’accès aux plans d’eau de la province. On procède donc par une approche incitative et par la formation, et on recommande d’engager des guides accrédités. Pierre Trudel rappelle toutefois qu’il ne faut pas alarmer la population. « C’est bien de parler sécurité, mais il ne faut pas exagérer les dangers du plein air. Je sais que certaines commissions scolaires s’opposent aux sorties en canot, sous prétexte que c’est un sport à risque. Cela prive des milliers de jeunes d’une expérience formidable. Il faut changer cette perception. Pratiquer des activités de plein air dans un encadrement sécuritaire, c’est aussi très agréable ». Pour réduire les coûts de ses mésaventures en plein air, vaut donc mieux freiner ses désirs d’aventures… à moins d’avoir un bon assureur!
Dites-le à votre assureur! Depuis 2001, les compagnies d’assurance en responsabilité civile ont resserré leurs critères d’admissibilité afin de mieux évaluer les risques. Les entreprises de plein air ont vu leurs primes atteindre des proportions démesurées (jusqu’à 30 000 $ par année pour une assurance responsabilité chez une agence de canot-camping, par exemple). Depuis, les fédérations ont obtenu des ententes collectives et ont pu en faire profiter leurs membres. Mais au Québec, assurer les organismes de plein air demeure une dépense majeure. Sur le plan individuel, les compagnies d’assurance-invalidité et d’assurance-vie demeurent craintives devant un client qui fait des activités de plein air. Dany Prasakis, directeur des ventes chez L’Excellence, une compagnie d’assurance-vie québécoise fondée dans les années 1960, dit que l’alpiniste et le plongeur subaquatique seront automatiquement exclus d’une police d’assurance-invalidité, de même que l’adepte de sports aériens (parachutisme, delta-plane) et d’eau vive. « Ce n’est même pas nous qui décidons de ces exclusions, mais les réassureurs avec qui nous faisons affaires, explique-t-il. Ce sont eux qui dictent les règles; nous les appliquons. » Pour l’assurance-vie, l’alpiniste, le plongeur et le canoteur pourront être couverts, à condition de le mentionner au moment de signer un contrat. L’élément fondamental : si vous ne déclarez pas vos activités, les réclamations seront refusées. « Il suffit de mentionner sur le questionnaire que vous faites du plein air, dit le porte-parole. Ça va coûter une surprime de 10 à 20 %, mais vous serez pleinement couvert », dit-il. |
Guides de références
Pour obtenir un guide (canotage, escalade, kayak de mer, plongée en apnée, randonnée pédestre, randonnée pédestre ou spéléologie) :
> loisirquebec.com/associatif/associatif.asp?id=119