Bandelettes proprioceptives
Bleus néon, roses électriques, violets vifs, verts fluorescents : les bobos des sportifs québécois ont pris des couleurs ces dernières années!
Les avez-vous vous remarquées sur les sportifs, au parc? Ou sur les athlètes olympiques, dans votre salon l’été dernier? Des couleurs souvent criardes, il est difficile de les rater. On les voit de plus en plus chez les sportifs de tous les niveaux. Ces « bandelettes proprioceptives » sont pourtant sur le marché depuis plus de trente ans!
On doit leur concept souple et élastique au chiropraticien japonais Dr Kenzo Kase. Insatisfait des tapings sportifs traditionnels, il a développé dans les années 70 les bandelettes proprioceptives avec l’intention de créer un outil qui maintiendrait plus naturellement les muscles et les articulations et qui accélèrerait la guérison des blessures en stimulant la circulation et le drainage lymphatique autour des régions touchées.
D’autrefois à aujourd’hui : pourquoi en voit-on tant maintenant?
La récente popularité des bandelettes proprioceptives ne s’explique pas par une amélioration de la « technologie », mais plutôt par des initiatives marketing. Une première à Pékin, en 2008. Le monde entier regarde les meilleurs athlètes performer aux Jeux olympiques. Plusieurs portent ces bandelettes commanditées par Kinesio Tex Tape qui en a distribué 50 000 rouleaux à 58 pays. Autrefois gardées dans la trousse des orthopédistes, acupuncteurs, ostéopathes et physiothérapeutes, les bandelettes attirent désormais l’attention et l’intérêt des sportifs à travers le monde.
Naturellement, d’autres marques ont profité de cette explosion de popularité. Alors que Kinesio Tex Tape visait une approche professionnelle en offrant des formations et produits aux physiothérapeutes et autres experts de la santé sportive, ces marques s’adressent − et vendent − maintenant directement aux consommateurs et les « habilitent » à les utiliser en mettant à leur disposition des instructions détaillées et des vidéos informatives.
Bienfaits des bandelettes proprioceptives
Selon les manufacturiers, les bandelettes aident à : Une trentaine d’études ont tenté de vérifier ces bienfaits. Guy Thibault, chercheur et phD en physiologie de l’exercice, partage leurs conclusions : « L’utilisation du taping proprioceptif aurait un petit impact positif sur la perception de la force musculaire et sur la flexibilité d’une partie blessée du corps. L’effet placébo serait en partie responsable de ces résultats. L’examen critique des données dont on dispose présentement ne permet pas de confirmer les autres avantages présumés comme la réduction de la douleur ou une meilleure activité musculaire. » Le chercheur ne prétend pas pour autant que les bienfaits proclamés par les manufacturiers des bandelettes sont faux : « D’autres recherches devront être menées pour mieux documenter les effets que pourrait avoir cette technique sur la prévention et le traitement des blessures. » Comme la correcte application dicte en partie le potentiel des bandelettes, il conseille à tout le moins de se faire traiter par des physiothérapeutes dont l’expérience et la formation les habilitent à utiliser efficacement les bandelettes proprioceptives. |
À l’ère où Google répond en quelques clics à tous nos maux, le concept possède son charme. Les professionnels de la santé gardent cependant quelques réserves devant cette « opération séduction ». Brigitte Léger, physiothérapeute à Physiothérapie du Sport du Québec et formatrice de session pratique de taping pour l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (OPPQ) commente : « Les gens voient les bandelettes à la télévision et les achètent précoupées puis les placent comme ils ont vu, sans comprendre la direction, la tension et la surface couverte de chacune des bandelettes qui modèlent le genre d’effets qu’on veut leur donner et leur contribution à la guérison. »
« Le taping neuroproprioceptif vise à inhiber ou stimuler un muscle, à favoriser le retour veineux, à contrôler l'œdème, à diminuer la douleur ou à assister à la correction posturale. Il ne s’agit pas que d’encadrer ou d’immobiliser une région comme avec un taping traditionnel : les subtilités sont plus importantes, et le mode d’application, plus complexe, » explique la physiothérapeute.
De bonnes connaissances physiologiques, une compréhension de la blessure et des habiletés techniques sont nécessaires pour profiter des bienfaits des bandelettes proprioceptives, au-delà de ceux dus à l’effet placébo. Comme ces bandelettes sont souples et malléables, un taping mal exécuté n’est pas aussi dommageable qu’un mauvais taping traditionnel. Au pis aller, le bandage s’avère inutile et c’est le portefeuille qui souffre le plus dans cette histoire!
Il ne faut toutefois pas écarter le risque associé à la fausse sécurité du port d’un bandage inadéquat. Un sportif convaincu d’avoir bien géré sa blessure par un taping proprioceptif maison pourrait finalement empirer son état. Un danger important d’appliquer les bandelettes proprioceptives soi-même n’est d’ailleurs pas tant lié à ce qu’on fait en les utilisant, mais à ce qu’on ne fait pas. Dans les mains des physiothérapeutes, ces bandelettes ne sont pas des remèdes miracles, mais des outils pour soulager ou encadrer le patient entre deux traitements. On devinera que dans les mains des sportifs moins habiletés, elles ne se transforment pas tout à coup en traitement magique! L’autodiagnostic et les traitements maison se concentrent généralement sur endroit « où ça fait mal », sans développer sur les raisons physiologiques ou biomécaniques derrière la blessure. En ne se préoccupant pas de la source du problème, on passe potentiellement à côté d’un plan de guérison complet… et on risque l’abonnement à vie aux bandelettes!
Doit-on alors composer avec un abonnement hebdomadaire en physiothérapie pour profiter des bienfaits des bandelettes? Pas du tout. La physiothérapeute Brigitte Léger décrit un programme typique : « On rencontre le patient en physiothérapie et après l’évaluation, l’impression de diagnostic justifiera ou non l’utilisation de bandelettes proprioceptives. Il arrive qu'on puisse enseigner au patient comment faire son taping, selon la région à couvrir et son niveau de difficulté d’exécution, pour qu’il puisse appliquer le taping par lui-même, entre les traitements ou au besoin. »
Les bandelettes proprioceptives demeurent ensuite en place en moyenne cinq jours avant de nécessiter un remplacement, soit environ deux fois plus longtemps que les tapings traditionnels. Avec preuve d’un diagnostic, certains professionnels peuvent faire un taping adapté sur rendez-vous, sans passer par l’évaluation ou une séance complète de traitement.
Certaines cliniques de physiothérapie, des évènements sportifs et quelques sites Web vendent ces bandelettes proprioceptives à ceux qui maitrisent l’art du taping… et aux autres qui veulent décorer leurs blessures!