Trois questions à trois grimpeurs : Haut défi au Kirghizistan
En août 2006, deux frères, Frédéric et François-Xavier Bleau, et leur ami Sébastien Ducceppe partent pour le Koh-i-Garmo (anciennement pic Lénine) dans le Pamir Kirghiz, en Asie centrale. Bien décidés à faire l’ascension de cette montagne de 7134 mètres en autonomie, en 25 jours environ, ils durent se résigner à revenir sans avoir touché le sommet. De retour au Québec, ils partagent cette expérience marquée par les imprévus.
Pourquoi avoir choisi d’escalader le Koh-i-Garmo au Kirghizistan, un pays très peu connu ?
Après notre ascension de l’Aconcagua, à 6962 mètres en 2004, on a voulu se lancer un plus grand défi. Cela nous a menés au Kirghizistan, car les montagnes de cette altitude en Chine, au Népal et en Inde nécessitent toutes des permis qui sont assez onéreux. Le Kirghizistan était le seul pays qui n’exige pas de frais d‘ascension pour une montagne de 7000 mètres. En plus de la question du coût, il y avait l’envie de découvrir un pays que peu de gens du Québec et des pays du Nord connaissent. C’est une montagne accessible et qui baigne dans un contexte culturel intéressant. On ne voulait pas aller où il y a beaucoup de touristes comme en Himalaya.
Avez-vous eu des difficultés liées au manque d’infrastructures touristiques ou au contexte local ?
Depuis Montréal, on a fait appel à une agence là-bas. En arrivant, pour trouver les ressources essentielles que l’on ne peut pas transporter en avion (comme la nourriture et le carburant pour le brûleur), c’était très difficile de se faire comprendre, même si on avait appris le russe avant. De plus, la saison de l’ascension là-bas est restreinte et nous sommes arrivés à la fin de cette période. Les agences nous fournissaient des dates différentes; nous sommes arrivés dans un contexte où tout était fermé pour ce qui est des transports et de l’accessibilité pour la montagne. Mais on s’attendait à ce genre de difficultés en partant et ça mettait un peu de piquant dans l’aventure.
Puis, on s’est fait voler notre nourriture et notre gazoline au camp de base au onzième jour d’ascension. Cela a été un moment de détresse parce qu’on n’avait presque rien pour se nourrir alors qu’on revenait d’un effort physique assez intense. Il n’y avait pas d’autres grimpeurs occidentaux : on était bien seuls à part quelques populations nomades à des kilomètres. On a donc abandonné notre projet. Pour le retour à la civilisation, on comptait sur des porteurs à cheval qui permettaient de mettre 48 heures pour rejoindre la ville. Mais comme nous n’avions aucun moyen de communication, on a dû partir avec l’équipement sur notre dos. Quand on est arrivé à la ville de Osh, on a passé une nuit dans une yourte où des gens nous ont accueillis. On essayait de leur montrer qu’on avait faim. Ils nous ont donné du pain, du beurre de yak et de la confiture. Puis on a visité les autres yourtes pour essayer de voir qui avait volé notre équipement. On n’a pas insisté parce que ça nous a permis de mieux comprendre la population qui vit dans les montagnes : ils avaient besoin de manger et non de faire de l’argent avec l’équipement.
Malgré les obstacles rencontrés, que retenez-vous de cette expérience sur le plan humain, dans les rencontres avec les habitants et entre vous ?
Le plus marquant de cette expérience, c’est surtout le contact avec les nomades qui vivent au pied de la montagne. C’est peut-être eux qui nous ont volés, mais c’est aussi eux qui nous ont accueillis en se montrant très chaleureux malgré la barrière linguistique. On faisait des dessins pour leur expliquer ce qui nous était arrivé. Ils nous invitaient pour le thé, pour le pain. Ils se sont très bien occupés de nous. Dans l’équipe, le moral n’était pas toujours là. Il y a eu des tensions à cause de l’épuisement et de la mauvaise alimentation. Le fait de ne pas avoir réussi l’ascension reste assez secondaire. Ce qui demeure, c’est l’expérience humaine.
Encore plus
En conférence à Montréal les 10 et 24 mai, à Granby le 16 mai et à Québec le 22 mai.
Récits et informations : hautdefi.ca