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  • Crédit: paul prescott, Shutterstock

Croatie : hisser les voiles en famille

La Croatie est la destination rêvée pour une aventure nautique. À proximité du littoral, un archipel époustouflant baigne dans une eau turquoise. Plus de 4 000 km de côtes insulaires rocheuses recèlent de criques sauvages, baies, ports naturels où mouiller l’ancre pour la nuit. Parcourir ce paysage en voilier permet de sortir du circuit touristique traditionnel tout en s’imprégnant des parfums locaux : une expérience inoubliable à vivre en famille.

Bienvenue à bord du Velika Luka! « C’est cool! C’est hot! » s’exclament les mousses. On visite notre nouvelle maison flottante : 36 pieds, trois cabines, deux lits qui se transforment en banquette autour de la table, une cuisinette bien équipée et une minuscule salle de bain. Pas d’ordinateur, pas de jeux vidéo. Pour notre famille reconstituée, qui réunit trois générations de 11 à 55 ans, partager ce voyage permettra de resserrer les liens. C’est parti pour une semaine en voilier, « skippée » par l’expérimenté Joško, à la découverte de trois îles dalmates et de leurs trésors. On prévoit trois heures de voile par jour et on évitera l’ancrage directement aux marinas pour échapper à la cohue. De Split, cap sur Hvar, Vis et Biševo!

Le grand départ

Le matin du jour J, tout le monde se réveille tôt, impatient de hisser les voiles. Les nuages de la veille se sont dissipés et les rayons du soleil teintent la mer d’un bleu électrique. On défait les cordages. Le voilier quitte la marina. Derrière, les Alpes dinariques se déploient le long de la côte en un immense mur rocheux qui découpe le ciel à plus de 1 500 mètres d’altitude. Devant nous, les îles se dessinent.

La mer Adriatique est un étroit bras de la Méditerranée qui s’allonge sur 800 km entre l’Italie et la péninsule balkanique. Considérée comme l’une des plus belles mers du monde, c’est le paradis de la voile. Le long de la côte croate, les vents stables de l’été, les chenaux parallèles à la côte, les marées de faible amplitude et les îles rapprochées les unes des autres favorisent la navigation. La diversité de l’archipel permet de combler tous les aventuriers.

Crédit: Émilie Nault-SimardFélix, 11 ans, s’est installé à la proue du bateau pour être le roi du monde. Indélogeable, il fixe l’horizon à la recherche de pirates égarés. Son frère Laurent, l’ado du groupe, ne tarde pas à venir le rejoindre. Un sentiment de liberté envahit l’équipage, tout semble possible.

Premier arrêt : l’île de Hvar. On s’accroche à une bouée dans la baie de Stari Grad. Avis aux Robinson Crusoé à la recherche de tranquillité : en haute saison évitez le port de la très glamour (et touristique!) ville de Hvar et jetez plutôt l’ancre ici. La splendide vieille ville nous fait face, comme un mirage surgit de l’eau. On rejoint la terre ferme à bord du petit dinghy. Derrière les bâtiments en pierres blanches de Stari Grad, les plaines sont classées au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces champs de vignes et d’oliviers sont cultivés depuis plus de deux mille ans, en continu! À pied ou à vélo, on découvre une histoire millénaire, marquée par la présence des Grecs et des Romains.

On s’acclimate à notre nouvelle vie d’insulaire. On se laisse porter par une douce atmosphère où le farniente est de mise : savoir apprécier le moment présent, écouter le chant des cigales, vivre au rythme des gens du coin. Le soir venu, l’embarcation devient un microcosme où l’on prend le temps de se parler, d’être ensemble — et bien sûr, de se livrer à d’enlevantes parties de cartes. Demain, nouveau départ vers l’inconnu.

Plonger dans la tradition

Tôt le matin la troupe met le cap sur l’île de Vis, la plus éloignée de la côte dalmate. Incliné vers la gauche sous la poussée du vent, le voilier file à travers le Viski Kanal. La famille s’est installée à tribord. Étendus au soleil comme des carpes, on est empilés les uns sur les autres. Laurent s’est endormi sur l’épaule de sa grande sœur. Nos pieds trainent dans les vagues cristallines. À la barre, Joško exécute les manœuvres avec précision et naturel. On ne pourrait l’imaginer ailleurs. Lui non plus. « C’est une chose très importante pour moi d’être à l’extérieur. J’ai besoin de regarder le soleil, la mer, et sentir les vents », confie le jeune loup de mer. Ses yeux turquoise scrutent l’horizon. Est-ce que le jugo, ce vent sud-est, nous empêchera de mouiller l’ancre à l’endroit prévu? Une baie étroite n’est pas toujours un abri. Si le vent y souffle directement, bonne chance pour dormir...

Conseils pratiques pour la famille

> Avant

- Plusieurs compagnies sont spécialisées dans la location de voilier. Réservez par internet le lieu de départ et d’arrivée.
- Planifiez votre trajet sur place avec le skipper.
- Louez un dinghy avec le voilier afin d’éviter les marinas.
- Mai, juin et septembre permettront de profiter de plus de tranquillité.

> À bord

- Évitez les valises rigides qui prendront un espace déjà restreint.
- Apportez des médicaments contre le mal de mer.
- N’oubliez pas masques et tubas pour les plongées quotidiennes.
- Les rivages rocheux peuvent être coupants et des chaussures protectrices seront utiles.
- Faites une épicerie de base avant de partir, achetez le reste dans les marchés locaux.
- Diminuez au maximum l’utilisation de l’eau et de l’électricité à bord afin d’avoir assez de réserve pour passer la nuit dans des lieux isolés.

> Après

- Après une semaine sur les îles, on en veut plus. Louez un appartement sur l’île de Brač pour poursuive votre séjour.

Ancienne base navale de l’armée nationale yougoslave, l’île de Vis a été interdite aux visiteurs jusqu’en 1989. De son passé militaire du temps de Tito, elle conserve un étrange réseau de tunnels, creusés à travers ses falaises de calcaire. Mystérieuse, authentique, la côte découpée cache des criques sauvages à découvrir en kayak ou en voilier. La baie de Stončica est idéale pour plonger depuis la proue du bateau.

Sur la terre ferme, un riche héritage culturel, légué par des lignées de marins, de pêcheurs et d’agriculteurs colore la vie insulaire, dépayse les visiteurs. Au détour d’une étroite rue pavée de pierres blanches, une souriante résidente a ouvert les portes en bois de son atelier. Elle tresse des bouquets de lavande fraiche au parfum exquis qu’elle vend quelques kunas. Sur un vieil établi s’entassent de disparates pots en verre contenant des sardines salées, une spécialité locale qu’on mange avec un bout de pain trempé dans l’huile d’olive.

Pour allier le passé au développement, des habitants se tournent vers l’agrotourisme et servent une gastronomie locale ancestrale. Sur une terrasse au milieu des vignes, on s’installe à l’une des tables en bois du chaleureux Kodmagica, où la brise du soir rafraichit l’air. On partage une immense peka au veau, un plat cuisiné sous une cloche en fonte, cuit pendant près de deux heures dans la braise. Vin, fromages, charcuteries, grappa, poissons, tout est fait maison à partir des produits cultivés ici ou pêchés dans la journée.

Se réunir autour d’une bonne table, c’est l’occasion de bavarder en famille, à laquelle se joint quotidiennement le sympathique et discret Joško. On discute en anglais de la vie en Croatie et de la guerre récente. On commande nos plats en croate et on rigole en français. Les yeux brillants de fatigue d’avoir vécu tant de nouvelles expériences, on retourne au bateau se faire bercer par les vagues, persuadés d’être déjà dans un rêve.

Au bout du monde 

Au nord de Vis, Biševo est l’un des 652 îlots de l’archipel croate. On est transporté, saisi par la beauté des paysages, envouté par l’impression d’être au bout du monde. Un homme d’origine bosniaque a tout quitté pour venir habiter l’île, confie Joško en pointant sa maison.  

L’eau est si translucide que les bateaux qui flottent dans la baie semblent voler paisiblement. Sortez vos masques et vos tubas, c’est l’endroit idéal pour la plongée en apnée! L’extraordinaire clarté de l'Adriatique permet une visibilité sous-marine de 20 à 30 mètres. Au fond de l’eau, une colonie d’oursins s’est installée, épines vers le soleil. Des anémones rouge vif dansent au gré des vagues, agrippées aux rochers. Sur le rivage, une pieuvre colorée vient surprendre les baigneurs. Quelle chance de pouvoir observer une telle biodiversité dans son habitat naturel!Crédit: Émilie Nault-Simard

Sur les îles, plusieurs centres de plongée louent de l’équipement et proposent des excursions. De Vis, les plus expérimentés peuvent observer des épaves, comme celle du Steamship Brioni qui aurait transporté du tabac et du vin au début du dernier siècle, ou encore celle d’un navire italien coulé par les Autrichiens. Des plongées archéologiques permettent de voir des vestiges de l’antiquité, comme des amphores grecques, ces vases à deux anses. À Biševo, pénétrer dans Modra špilja, la Grotte bleue, surprend petits et grands. Par une entrée sous-marine, les rayons du soleil teintent l’eau translucide de la grotte d’un bleu spectaculaire.

En soirée, le départ des touristes transforme l’atmosphère. L’unique bar de l’île, une grande terrasse extérieure aux tables dépareillées, devient le lieu de rassemblement pour les quelques habitants. L’écho de leurs discussions se mélange au clapotis des vagues qui viennent doucement se frotter au voilier. À nos côtés, un jeune pêcheur dort dans son bateau attendant l’aube pour lever l’ancre. La lune brille dans le ciel.

 

Commentaires (1)
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familleavelo - 06/03/2013 06:20
Bravo.
Émilie, vous avez une belle plume. J'ai bien aimé vous lire et rêver en même temps à cette destination peu connue. Trois générations réunies, quel beau geste de partage et d'amour. Félicitation.
Michèle,
www.les11.com