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  • Crédit: Olga Danylenko, Shutterstock

Laurent Homier, Objectif : le sommet du Manaslu

Malgré un parcours atypique de grimpeur et une disette imposée des grands sommets, Laurent Homier (46 ans) tentera à la fin septembre d'être le premier Québécois à conquérir le Manaslu, la 8e plus haute montagne du globe à 8163 m. Rencontre avec un homme au bord de la renaissance.

À 28 ans, vous étiez au sommet de l'Aconcagua (6 962 m). Depuis, vous n'êtes plus remonté au-delà de 5 500 mètres. Pourquoi cette longue absence des grands sommets?

Certains penseront que je sors de nulle part avec mon projet du Manaslu et mon baptême himalayen, mais c'est pour moi une sorte de retour aux sources de ma passion pour l'alpinisme. Au début de la vingtaine, j'ai lâché le cégep pour assumer mon état de climbing bum; je rêvais de gloire ascensionnelle et me voyais déjà sur la couverture du magazine Climbing! Mais le destin —que je ne regrette en rien —a mis une femme et (très rapidement) des enfants sur mon chemin. Parce que je suis quelqu'un qui n'aime pas faire les choses à moitié, je me suis investi dans mon rôle parental, tout en gardant un lien avec mon intérêt pour l'escalade en devenant instructeur à l'école Passe-Montagne. Mon rôle au sein de l'entreprise s'est transformé et j'ai pris en charge l'atelier de production de prises d'escalade jusqu'en 2006. Cela dit, j'ai tout de même fait pendant ce temps plusieurs voyages de grimpe dans les Rocheuses, en plus de découvrir des intérêts parallèles dans les marches d'endurance alpines (dont le fameux Pemi loop dans les White Mountains au New Hampshire) et les défis de triathlon (dont un Ironman complété en Floride).

 

Pourquoi avoir choisi le Manaslu plutôt qu’une montagne plus connue comme l’Everest?

Il est vrai que sans une grosse montagne connue sur ton dossier de commandite, ta visibilité dans les médias est reléguée aux pages intérieures des journaux locaux... Le Manaslu est un petit 8 000 mètres, dans une région moins courue du Népal, mais c'est en partie ce qui fait son charme à mes yeux, en plus de constituer une introduction respectable au royaume de l'Himalaya. Le trek d'approche est supposément plus sauvage, sinon authentique. Avec mon coéquipier Stéphane Louboutin, avec lequel j'ai été mis en lien par une agence française d'expédition, nous allons tenter l'ascension sans oxygène ni sherpas. Seuls deux Canadiens l'ont déjà gravi et je peux au moins mettre dans mon dossier que ce sera une première québécoise —c'est mieux que rien au niveau promotionnel!

 

Quelle est votre préparation en vue de ce retour en altitude? La perspective du défi est-elle d'ailleurs différente avec le recul des années?

Il ne faut pas se leurrer : les performances physiques pures d'un homme dans la quarantaine ne peuvent égaler celle d'un jeune dans la vingtaine. C'est probablement au niveau du mental que la balance peut pencher en faveur du sénior, qui est plus solide dans ses convictions et plus endurant de caractère. Pour ce qui est de la sagesse, j'ai hélas appris à la dure. Il y a bien eu cette tentative hivernale en solitaire au mont Robson en 1992, où mon manque d'expérience en glacier aurait pu m'être fatal, mais c'est plutôt dans les Rocheuses en 2004, lors d'un trek, que la montagne m'a servi une leçon. Une banale chute de pierres a blessé mortellement ma conjointe de l'époque. Le choc post-traumatique passé, j'ai fait mon deuil en traversant les Alpes à vélo, loin de tout ce qui me rappelait cet épisode puis en me purgeant dans un Ironman. Ce n'est que quatre ans plus tard que j'ai refait la paix avec le milieu alpin, avec une série de 4 000 et 5 000 mètres au Pérou et au Mexique. Ma nouvelle compagne de vie n'est pas étrangère à cette renaissance, puisqu'elle adore elle aussi les défis. Le projet du Manaslu vient en quelque sorte concrétiser ce retour. Cet été, nous avons « traîné » ensemble dans les 6 000 mètres en Bolivie en guise de préparation, mais dès l'automne dernier, j'ai entrepris d'établir une marque au Pemi loop, avec un périple solo de 77 km (et 5 200 m de dénivelé) en 22 heures. Après ce succès, j'ai même tenté au mois de juin dernier de compléter la double boucle (soit 100 km et 6 100 m) du même parcours. Mais une météo d'enfer —pluie, vent, grêle et neige —aura eu raison de mon ambition, bien que j'aie battu mon temps sur la première boucle de 50 km en 10 heures.

 

Avez-vous déjà des projets pour la suite?

J'ai très hâte de voir comment va se dérouler la tentative avec Stéphane, que je ne connais pour l'instant qu'à distance, mais qui semble partager mes perspectives du défi. À 51 ans, il a déjà l'Aconcagua à son actif, mais en sera à son deuxième essai au Manaslu. Cela dit, j'aimerais bien pouvoir me joindre éventuellement à des équipiers québécois, question d'être en terrain connu au niveau communicationnel, surtout que le plus gros de mon expérience en montagne a été effectué individuellement. Je suis présentement en lien avec François-Xavier et Frédéric Bleau, mais aussi avec Louis Rousseau, qui m'avait invité à son expédition au Gasherbrum, mais j'ai jugé que c'était un peu trop tôt et trop ambitieux pour une première himalayenne. On s'est par contre dit qu'on se reprendrait bientôt —peut-être en 2012 —mais on verra après le Manaslu.

 

Encore plus
laurenthomier.com

Pour suivre le blogue de l'expédition
expes.com/Manaslu/2011/Manaslu.htm

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