Entrevue : François-Guy Thivierge
François-Guy Thivierge ne se décrit pas comme un explorateur : plutôt comme un aventurier moderne. L’homme réalise ses quêtes d’aventure en prenant le temps d’y mettre les moyens. Son rêve d’enfant, c’était de devenir guide. En 2008, il voit le soleil se lever sur le sommet de l’Everest, après deux mois et demi d’efforts. Il sait alors qu’il ne saura pas s’arrêter là. Il grimpe ensuite le mont Vinson la même année. Il termine ensuite sa course des sept sommets sur les sept continents et vient d’y ajouter l’atteinte des deux pôles. Aujourd’hui, c’est un aventurier comblé (mais pas encore assouvi!) qui raconte la dernière aventure de son odyssée, celle où il a atteint le pôle Nord.
Alors, le pôle Nord, c’était comment?
C’était une expérience totalement à part! C’est 1 500 km de glace qui dérive sur l’océan, une banquise craquée, fracturée, un monde en mouvement perpétuel, qui nous fait nous rappeler que si la nature est fragile, l’homme l’est plus encore. Chaque 100 mètres donne un nouveau paysage et le danger de tomber dans l’eau avec les traîneaux est bien réel. On a aussi dû lutter sept jours contre le froid. Notre routine était bien réglée : à 6 h du matin on se réveille, à 7 h on déjeune, à 8 h on plie bagage et à 9 h on part. On skie entre 8 h et 10 h par jour avant de monter le camp pour la nuit et de faire fondre la neige pour s’hydrater. On se couche vers 21 h pour recommencer le lendemain. J’ai arrêté de penser à mes sept sommets et à tout mon passé dès la deuxième journée. J’ai plutôt commencé à tripersur le moment présent : on pense à son corps, on pense au bonheur qu’on est en train de vivre.
Est-ce que vous avez senti que la banquise était fragile?
Non. On dérive tout le temps et on ne voit que de la glace. Mais j’ai parlé avec les gens du village de Lomgyearbyne, où l’on est arrivé en avion, et les habitants observent que les saisons son plus courtes, que la chasse au phoque diminue et qu’il y a moins d’ours polaires.
Sept sommets, deux pôles, quelle était votre motivation à faire tout cela?
Vous savez, au sommet de l’Everest, sur le toit du monde, il n’y a pas de médailles. Il faut redescendre vivant. Quand je réalise ces défis, c’est uniquement contre moi-même que je suis en compétition. Je demande humblement à Dame Nature de me laisser la chance d’accomplir mes défis et elle me l’a bien rendu. Certains aventuriers se font la vie dure pour devenir meilleurs que d’autres, mais pour moi, aller au pôle Nord pour un record de vitesse, ce n’est pas une belle valeur. Je n’ai pas fait tout ça pour battre des records. On dit que j’utilise les médias pour parler de moi, mais ce n’est pas forcément pour faire la promotion de mon école d’escalade! Je le fais pour inspirer les gens : on ne parle que de hockey et de baseball et pas assez de plein air et d’aventure. Moi, ma passion, c’est de faire connaître l’aventure à travers les miennes. Je suis un ambassadeur, au fond!
Mais l’aventure, ça veut dire quoi pour vous?
L’aventure, c’est partir sur le terrain ou à l’intérieur de soi. C‘est explorer une émotion, continuer à rêver et à y croire, car la vie est courte et fragile, alors il faut en profiter.
C’est aussi prendre des risques non?
J’avoue qu’à mon âge, je suis moins téméraire qu’à 20 ans. Désormais, ma principale préoccupation c’est la sécurité. Le plaisir vient après cela, ce qui ne m’empêche pas de continuer d’avancer.
Après avoir réalisé tout ça, qu’est-ce qui vous motive encore?
Après avoir atteint le septième ciel en finissant avec le pôle Nord, je me suis dit pourquoi ne pas essayer le pôle intérieur, humanitaire. Avec ma fondation, on est allé à Haïti pour aider à reconstruire et pour apporter des médicaments. Maintenant, je veux aider nos jeunes qui ont des problèmes de drogue, d’obésité et qui ont du mal à faire des efforts. Avec l’escalade, on essaie de les accrocher et de les faire se dépasser. Je veux continuer à partager, à transmettre les valeurs du plein air et du sport. Tellement de gens vivent comme des animaux en cage aujourd’hui, à ne penser qu’à travailler pour se payer une vie. Mais la vie, ce n’est pas ça.
Quelle sera votre prochaine aventure?
Je pense faire le tour du monde à vélo en trois étapes : Europe, Asie et Amérique du Nord. J’ai envie de changer de sport pour découvrir la planète et l’environnement d’une autre façon. En attendant, je m’en vais faire de l’escalade à Yosemite cet été… j’ai toujours voulu y aller! Et puis en novembre prochain, je remettrai ma casquette de guide pour amener un groupe au camp de base du mont Everest. Je vais pouvoir partager mes expériences, raconter mes aventures. Bref, faire ce qui me passionne!