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  • Crédit: Greg Ferguson

L’entraînement, un jeu d’enfant?

Juliette, Louis et Gabrielle retournent à la maison, médaille au cou, sourire aux lèvres. Ils ont 5, 7 et 9 ans. Ils sont trois des 3 000 enfants de moins de onze ans qui ont participé au P'tit Marathon du Marathon de Montréal le 25 septembre dernier. Ils sont aussi trois des milliers d’enfants qui ont franchi la ligne d’arrivée de l’une des épreuves du Circuit Endurance en 2011.

« C’est un véritable phénomène! », qualifie Jean-Yves Cloutier, entraîneur en chef des Vainqueurs, un club d’athlétisme dont la section « initiation » est passée en quatre ans de vingt à 120 jeunes de moins de 13 ans. Jusqu’où peuvent aller ces enfants « phénoménaux » pour faire mentir les statistiques de sédentarité des jeunes?

Valérie Dancause, kinésiologue et psychomotricienne, nous rassure : « La majorité des parents ne devraient pas craindre que leurs enfants en fassent trop, bien au contraire. La Société canadienne de physiologie de l’exercice recommande 60 minutes d’activité modérée chaque jour, 30 minutes d’activité à intensité élevée trois fois par semaine et 30 minutes de renforcement musculaire trois fois par semaine, et ce, pour tout enfant âgé de 5 à 17 ans. » Elle ajoute même : « On recommanderait idéalement la même chose pour un adulte en santé! » Mais cela ne veut pas dire qu’un enfant peut suivre le même programme qu’un adulte.

Exemples d’activités :

Activité à intensité modérée : une randonnée à vélo chez un ami, un jeu de ballon-chasseur, une marche jusqu’à l’école.
Activité à intensité élevée : un match de basketball ou de soccer, la course.
Activité à renforcement musculaire : de la gymnastique, de l’escalade ou toute activité où l’enfant est amené à soulever le poids de son corps de diverses façons.
Activités recommandées : toute activité physique qui amuse l’enfant.
Activités proscrites : toute activité ayant un risque de contusion cérébrale élevé, comme la boxe ou tout sport sans le port d’un casque avec un risque d’impact ou de chute.

« L’activité physique doit rester dans le domaine du jeu pour l’enfant », conseille la docteure Élise Martin, une des trois pédiatres spécialisées en médecine sportive pour les enfants au Québec. « L’adulte ne devrait ni imposer à l’enfant ses activités ou ses attentes, ni lui mettre de la pression. »

Il est normal qu’un enfant soit d’abord attiré par les activités de ses parents. Il est cependant tout aussi normal qu’ils butinent ensuite d’activité en activité. L’exploration doit être encouragée pendant cette période importante de découverte chez l’enfant. Demander simplement à un enfant pourquoi il souhaite pratiquer une certaine activité reste le meilleur moyen de s’assurer qu’il suit bien ses goûts au lieu de chercher à plaire à ses parents. Juliette aime courir, car « elle aime sa maman, et elle aime courir avec sa maman ». Louis « aime les médailles » et « aime battre ses temps », alors que Gabrielle « aime le défi et réussir à faire des choses ». Il n’y a pas de bonnes réponses, pourvu que le mot « aime » soit au bout des lèvres de l’enfant.

La majorité des enfants préfèrent les activités qui comportent des rythmes et des mouvements variés, de sorte que les exercices routiniers comme les longues randonnées de vélo ou les sorties de jogging les ennuient. Un événement festif auquel l’enfant participe avec d’autres « amis » sous les encouragements d’adultes enthousiastes rassemble bien des critères pour lui plaire. Les statistiques de participation à ces épreuves en sont la preuve.

Comment y préparer son enfant?
« Un enfant en santé n’a pas besoin de s’entraîner pour un événement comme une course de 1 kilomètre ou de 2 kilomètres. Les enfants courent déjà plus longtemps dans leurs jeux », déclare le Dr Martin. Quant aux enfants moins actifs sur qui la sédentarité aurait déjà eu des effets néfastes, ils doivent être amenés progressivement vers la durée de l’effort de l’épreuve, et s’amuser en cours de route.

Certains jeunes aiment un sport en particulier et souhaitent s’y donner corps et âme.

Pour ces derniers, les pédiatres recommandent tout de même un maximum de cinq jours d’entraînement spécifique par semaine, une journée active dans une autre sphère d’activité et, au minimum, une journée de repos par semaine. « La spécialisation en sport avant l’âge de 12 ans n’est pas recommandable, ni nécessaire, même si le jeune aspire aux Olympiques », met en garde la pédiatre experte auprès des jeunes athlètes. Une spécialisation hâtive ne permettra pas à l’enfant de développer tout son potentiel et de solliciter globalement son corps en croissance, en plus de le mettre à risque d’une « écoeurantite aiguë ».

L’enfance est une période critique pour le développement de la motricité des enfants. « Les enfants sont de vraies éponges entre 3 et 7 ans. Leurs muscles et leurs neurones doivent être sollicités de différentes façons afin qu’ils développent efficacement leur motricité, leur proprioception, leur coordination et leur équilibre, des compétences qui leur serviront toute leur vie. Le travail en force et en puissance peut attendre que l’enfant ait environ 13 ans, âge vers lequel il aura une masse musculaire et un taux d’hormone suffisants pour développer ces aptitudes », conseille Valérie Dancause.

Quant au volume d'exercice, la pédiatre Élise Martin ne croit pas aux recettes toutes faites : «  Il n’y a pas de limites recommandées. Le parent doit simplement être à l’écoute et encourager son enfant à communiquer tout inconfort, fatigue ou perte d’entrain. Contrairement à bien des adultes, un enfant s’arrête quand il est fatigué ou tanné, et se plaint quand il a mal. »

Certains facteurs physiques limitent néanmoins les efforts de longue durée des enfants particulièrement coriaces. « Les enfants n'arrivent pas à réguler leur température corporelle aussi efficacement, de sorte qu'ils sont plus vulnérables face aux conditions extérieures. Surtout, les enfants sont des enfants et ils ne planifient pas et ne préparent leur nutrition et leur hydratation comme les adultes. Un enfant boit ou mange lorsque le besoin se fait sentir, alors qu'il est peut-être déjà trop tard », explique la pédiatre.

La maturité psychologique a encore plus de poids que la maturité physique dans la fixation des limites des enfants. De 6 à 11 ans, l’enfant passe par une étape critique du développement de l’estime de soi. Il faut éviter de placer l’enfant dans une situation d’échec en lui imposant des demandes au-delà de ses aptitudes. De plus, l’encadrement doit être adapté à son âge. L’enfant n’a pas la maturité pour évaluer par lui-même ses performances, de sorte qu’il se tourne vers la réaction d’un adulte pour s’en faire une opinion. Il est important que ce dernier, parent ou entraîneur, lui communique une rétroaction d’abord positive. L’enfant passe aussi par l’apprentissage nécessaire de la gestion du stress : celui relié au sport peut être sain et formateur, pour autant que son exposition soit dosée selon les capacités de l’enfant à le gérer. Des épreuves ou des entraînements trop stressants, trop souvent, peuvent engendrer l’épuisement physique et émotif de l’enfant. Il suffit avant tout de bien doser l’entraînement et de ne pas oublier que le tout doit demeurer un jeu agréable.
 

Aider son enfant à gérer le stress des épreuves
Le stress des enfants par rapport aux compétitions provient de deux sources principales : l’incertitude autour de l’événement et l’importance qui y est accordée. Vous pouvez aider à démystifier l’événement en expliquant son déroulement et en vous rendant sur les lieux de l’épreuve au préalable. Pour dédramatiser l’épreuve, il suffit d’insister sur le plaisir plutôt que sur la performance, et de ne pas imposer des attentes trop lourdes à l’enfant.

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