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  • Crédit: Maridav, Thinkstock/iStock

À la découverte de la « marche afghane »

Une marche plus performante, une meilleure endurance, ainsi qu’une conscience renforcée de soi et de la réalité qui nous entoure? C’est ce que font les nomades depuis des années!

Le jour de Pâques 2013 a changé ma vie. Une diversion imprévue m’amena à parcourir, lentement, mais sûrement, le cimetière du Mont-Royal. Étant seul, j’ai orienté ma marche différemment, tout en profitant de l’atmosphère sereine du lieu. Et le fait d’utiliser mon mental a bon escient m’a transformé. J’ai vécu une véritable méditation en mouvement. Des centaines de tombes défilaient à mes côtés pendant que ma conscience s’émouvait à mesure que j’avançais. Une respiration rythmée au nombre de mes pas, le mental concentré sur l’air entrant et sortant, mes enjambées s’ajustaient plutôt bien à cette marche susceptible d’éveiller mes sens. Et des esprits vagabonds de personnes disparues semblaient me chuchoter à l’oreille : « Avance en comptant tes pas, et surtout, respire bien par le nez… jusque dans ton bas-ventre ». Mon parcours s’avéra plus intense qu’à l’habitude. Le moral était plutôt bon, en harmonie avec cet « instant présent » si souvent recherché. En rétrospective, je venais d’explorer une nouvelle façon de faire de la randonnée. À mes yeux une porte mystérieuse venait de s’ouvrir : celle du « souffle » s’harmonisant au plaisir de bouger consciemment, avec lucidité. Je me suis alors senti nourri par une subtile énergie. Durant les mois qui suivirent, je découvrirais avec bonheur qu’il s’agissait d’une approche optimale de marcher en santé. Puis avec la pratique, j’ai réussi de bien meilleures performances.

Avant cette « résurrection de la Pâque », l’éveil avait débuté par une recherche dans Internet à propos de ce fameux « souffle » si important dans toute activité physique. Le Dr Edouard Stiegler fit, dans les années 80, une découverte notable chez une tribu nomade d’Afghanistan : des caravaniers en transhumance parcouraient de très longs chemins, parfois sur des terrains forts accidentés. On parle ici d’une distance observée de 700 km en 12 jours et sans fatigue apparente ou signe d’épuisement. Mais d’où leur venait cette capacité, cette endurance particulière? Eux qui à côté de leurs chameaux chargés marchaient pour faire du commerce. Quelle était donc cette intrigante coutume transmise depuis des générations chez ces nomades afghans? Ce peuple voyageur en faisait beaucoup plus, avec moins d’effort. Un mot d’importance facilite pourtant la compréhension de ce type de performance : RESPIRATION. Mais pour que l’expérience soit complète, le Dr Stiegler observa également qu’il fallait encore « synchroniser et adapter » celle-ci à différents rythmes de marche en fonction du sol parcouru (plat, dénivelé, etc.).

Crédit: MaridavCet « art de marcher » est aussi un « art de vivre » au quotidien qui représente une intime relation avec son environnement. Bien que la science moderne n’a pas encore statué sur le phénomène, la démarche et la tradition issue d’Asie centrale suggèrent une capacité respiratoire amplifiée. En marchant avec un esprit attentif aux inspirations et aux expirations (en mode nasal uniquement), il est permis de croire à un meilleur apport d’oxygène.

Peu connue au Québec, la technique de ce type de marche est simple et implique la synchronisation du souffle et du pas. Avec une respiration ample et profonde combinée à une concentration du mental, vous obtenez une activité à la fois physique et spirituelle. Performante pour les randonnées au long cours et l’effort soutenu, elle s’adapte à diverses activités physiques.

Puis il y a ces phrases à se dire : « j’ai / con / fiance, je / suis / bien ». Ou alors en récitant un mantra tel que : « Om / Na / mah, Shi / va / ya ». Ce sont des mots porteurs qui remplacent avantageusement le comptage des pas, comme dans le rythme « 3 / 3 ». Il en est de même pour un ensemble de rythmes et de mots positifs variés, lesquels ont chacun leur spécificité ou raison d’être. Le rythme de base en terrain plat est : « 3.1 / 3.1 », et pour différents objectifs de marche ce sera « 3 / 3 » (légère pente), « 2 / 2 » (escalier / pente plus raide), « 4.2 / 4.2 » (rythme cardiaque), « 3 / 5 » (plat / descendant), etc. Mais il y a aussi une quantité d’autres rythmes à intégrer, et à jumeler à des connaissances de base.

En fait, j’ai même essayé la technique en faisant du vélo – eh oui, les coups de pédale, la pente ou le plat, le braquet utilisé (vitesse) combiné à la respiration nasale, ça existe aussi! Pareillement en patins à roues alignées : il suffit de trouver son propre rythme, de se concentrer sur les pas ou l’élan, puis d’observer ces moments qui nous aident à être présents en temps réel.

Concrètement, un bien-être vivifiant dynamise cette pratique. L’air ingéré forme une énergie essentielle à la vie comme le sont aussi l’eau et les aliments qu’on avale. Peu importe où l’on se trouve sur Terre, la « respiration nasale » apparait comme étant la manière saine et efficace d’absorber, puis de faire circuler l’oxygène en nous. Lorsque la respiration est modulée au nombre de pas comptés et adaptée en fonction de la dénivellation du terrain, l’expérience démontre une marche plus performante, une meilleure endurance, ainsi qu’une conscience renforcée de soi et de la réalité qui nous entoure. La méthode de la « marche afghane » telle qu’enseignée de nos jours (et selon mes propres essais sur le terrain) combine toutes ces vertus.

Selon Sylvie Alice Royer, fondatrice de Marche afghane Québec, il s’agit d’un exercice complet, à la fois physique et mental. À la base, on parle de performance, de vitesse de randonnée et d’endurance à l’instar des caravaniers afghans dont elle s’est notamment inspirée. C’est également une marche attentive qui apporte une intériorité bienfaisante, un détachement conscient qui nous amène d’abord vers soi-même, puis une véritable ouverture sur le monde.

Crédit: michelangeloopC’est devenu pour moi une méditation active, mon « yoga en marchant », puisque ce type de marche permet une endurance physique étonnante. En réalité, les bienfaits ressentis résultent d’une « suroxygénation » induite par une « respiration nasale rythmée aux mouvements ». Pour ma part,  inspiré par un nouveau « souffle », je me suis mis à marcher avec un esprit plus confiant, et avec des objectifs atteignables à réaliser. Sur le Sentier des Caps, au bord du majestueux Saguenay, mes 28 kilomètres en 7 h 30 de marche le même jour m’ont carrément monté à la tête. J’y ai découvert une force tranquille auparavant insoupçonnée chez moi. J’aurais aimé connaitre cette approche depuis longtemps, elle est à la fois simple et puissante, efficace et apaisante. En fait, elle ne demande que de respirer et compter, tout en évaluant le terrain parcouru. De plus, elle s’applique partout où le mouvement s’impose : en ville, en campagne, en entrainement pour d’autres sports, etc. Imaginez maintenant en raréfaction d’oxygène! Quinze ans plus tard, je referais volontiers l’Aconcagua, car je détiens désormais un petit quelque chose en plus, une étincelle de conscience inspirée par des rythmes respiratoires adaptés aux circonstances.

En août 2013, ce fut au tour de la Grande boucle sur 25 kilomètres en sept heures au Massif du Sud (Bellechasse). Là encore, un calme intimement lié à ma fonction respiratoire m’a rendu fier et bienveillant. Ce jour-là m’a apporté, malgré la pluie et la pente parfois raide, une source euphorique de satisfaction personnelle. Le fait est qu’à chaque fois, et bien au-delà de la performance physique, je deviens reposé mentalement. C’est peut-être le début d’une quête de soi. L’être intérieur chemine autant, sinon plus, que le corps qui bouge.

À l’aube de la soixantaine, je suis maintenant convaincu d’accéder à un niveau supérieur de randonnée pédestre avec cette technique. Ma respiration cadencée est profitable, et mes performances me plaisent davantage. L’année dernière, sur toutes sortes de terrains, je me suis senti tel un yogi détaché du monde, tel un heureux aventurier à la recherche de défis en pleine nature. Mais le plus incroyable est le fait qu’à mon retour à la maison, je ressens un immense réconfort qui se prolonge et perdure. J’en bénéficie avec un sens épanoui d’accomplissement personnel. Mes étonnants « rêves marchés » m’amènent à m’ancrer sciemment, à revivre puis à espérer. Marcher est devenu un automatisme, un ressourcement en toute simplicité. Aujourd’hui, cette « marche des afghans » représente une superbe liberté d’expression. La même qui m’amène à l’épicerie du coin ou au centre-ville en semaine; et celle qui me transporte allègrement dans un parc rempli de kilomètres à dévorer la fin de semaine. Puis il y a cette très longue randonnée que je prépare en secret. À mes yeux ce sera sans doute la plus authentique et mémorable de mes expéditions. En tous cas, celle où je serai au sommet de ma forme.

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marcheafghanequebec.com • marcheafghane.wordpress.com

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