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  • Crédit: Pascale Gervais

Stéphane Le Beau : Un triple champion du monde équilibré

Oubliez le profil type du champion qui ne carbure qu’au vélo. Le cycliste Stéphane Le Beau est un exemple d’équilibre et de stabilité. Employé chez OGC depuis près d’un quart de siècle, il porte le titre de triple champion du monde sur piste depuis deux ans. Le Québécois s’entraîne intelligemment et cumule ainsi les honneurs. Chef de produit chez Opus et cycliste invétéré, Stéphane Le Beau est aussi une source d’inspiration. Entre l’entraînement et le travail, il a trouvé un moment pour nous partager le secret de sa réussite.

 

Depuis combien de temps avez-vous cette passion du vélo?

J’ai commencé à rouler dans la jeune vingtaine, à l’époque du vélodrome. Alors que le vélo n’était pour moi qu’un moyen de transport, au mieux, je ne faisais que du cyclotourisme, un ami m’a initié à la piste. J’ai participé à une course organisée par l’entraîneur cycliste Robert Van Den Eynde et suis arrivé deuxième. Après la course Robert m’a dit : « T'as du talent, tu devrais continuer! » et cela m’a motivé à courir. J’ai couru pendant cinq ans. Je faisais de la piste et du vélo de route.

Pourquoi avoir arrêté?

En 1984, j’ai eu un accident de vélo. J’ai subi une commotion qui a retardé ma progression. J’ai repris en 1985, cependant mes résultats n’étaient pas transcendants. Dans les années 80, on ne parlait pas tant des effets pervers des commotions cérébrales. Je pense que j’ai simplement repris trop vite et mes performances, sans être mauvaises, n’étaient plus à la hauteur de mes attentes et de mes capacités. En plus, j’avais 25 ans. En 1985, un cycliste dans la mi-vingtaine était déjà considéré comme un « vieux ». J’ai arrêté de courir et le vélo est redevenu un simple moyen de transport. J’ai commencé à travailler. J’ai eu quelques projets avec l’équipe canadienne et j’ai tenté ma chance à titre d’entraîneur auprès de l’Association cycliste canadienne. Mais si l’on m’identifiait comme un vieux cycliste, j’étais encore trop jeune pour devenir entraîneur. J’ai donc commencé à travailler chez OGC et j’y suis encore, 24 ans plus tard!

Qu’est-ce qui vous a donné envie de recommencer à rouler?

Au début des années 2000, j’ai vécu quelques difficultés personnelles et je cherchais des activités pour me divertir. J’ai tenté un paquet de trucs, même le karting! Et un jour, en faisant du patin, je me suis blessé. Une blessure qui ne pardonne pas. Tellement que j’avais l’impression d’avoir la jambe rétrécie. Le bilan des physiothérapeutes n’était d’ailleurs pas encourageant du tout. C’est là que j’ai décidé de recommencer à rouler. Le vélo, pour moi, c’est la guérison. Alors qu’on me déconseillait d’en faire parce que mon nerf sciatique était touché, j’ai malgré tout enfourché ma bécane et avalé les kilomètres. J’ai fait une course. Mon retour n’a pas été glorieux, je me suis fait « clencher » J’ai tenté une autre course. Arrivé sur place en retard, j’ai couru avec des adversaires plus vieux que moi. Malgré cela, j’ai trouvé la course pas mal éreintante.

 

Mais vous avez tout de même poursuivi!

Oui. Je me suis entrainé plus sérieusement. Mon vélo était devenu mon moyen de transport et mes déplacements des prétextes à entraînement. Je me suis décidé à essayer un « mardi de Lachine ». Ça a bien été. J’ai fait du ski de fond. J’ai commencé à donner des cours de spinning. Et en 2006, j’ai repris la piste. Mon ami Gérard Louis Robert, coureur chez les maîtres, m’a convaincu d’y revenir et de m’essayer aux Championnats canadiens. J’y suis allé et j’en ai profité pour tester un vélo Opus. La même fin de semaine, il y avait également une course sur route à Ottawa. J’ai fait la poursuite et j’ai gagné. Cela m’a donné la fougue nécessaire pour améliorer mes capacités. De fil en aiguille, en améliorant mes performances, j’ai réalisé que j’avais une chance de monter sur un podium. Je suis donc allé faire les Championnats du monde en Australie en 2007. Je n’ai pas gagné à la poursuite, mais j’ai pris un tour sur le peloton à la course aux points que j’ai remportée. Ç’a été une course difficile. La plus dure de ma vie. Après, j’avais la langue à terre, plus de jambes! J’ai gagné par un point et encore eu la piqûre. Après 2007, j’ai continué à m’améliorer. Je n’ai pas fait de compétition en 2008. Mais 2009, 2010 et 2011 ont été l’occasion de récolter quelques honneurs.

 

Quel est votre palmarès des trois dernières années?

Triple champion du monde pour 2010 et 2011. J’ai gagné à la poursuite, à la scratch ainsi qu’à la course aux points. En 2009, j’ai respectivement été 3e, 3e et 2e. En 2009, personne ne me connaissait, j’ai été l’élément-surprise. Mais cette année par contre, j’étais surveillé! On peut croire a priori que c’est plus stressant, mais comme mes adversaires savaient que j’avais une chance de gagner, tout le monde me laissait passer. La course était agréable et nettement plus facile.

 

Quelle importance donnez-vous à la compétition aujourd'hui?

Bah... pour moi ce n’est que du plaisir! Je ne me prends pas la tête avec ça. Je m’entraîne intelligemment, mais l’entraînement n’occupe pas toute la place dans ma vie. Je n’hésite pas longtemps entre me divertir et courir. Si par exemple j’ai envie d’aller au cinéma, l’entraînement peut aisément être déclassé. Quand je décroche, je décroche.

 

À quoi ressemble  votre entraînement, alors?

Je m’entraine essentiellement en transport. Je suis sur mon vélo cinq à six fois par semaine pour me déplacer. Je ne suis pas un mec qui s’entraine beaucoup. Je pense sincèrement que « less is more. » C’est l’intensité qui compte. Quand je m’entraine, je le fais solidement. J’ai une bonne méthode que je change chaque année. Mais je ne suis pas le plus rigoureux. Si je ne file pas, j’arrête. J’ai deux cycles d’entraînement : en début et en fin de saison. Au début de la saison, il m’arrive de faire une ou deux longues sorties par semaine. Mais je me donne beaucoup de liberté dans mes activités, sauf quand vient le temps de la course. Autrement, j’aime bien faire des slow rides et trouver un bon équilibre entre vie et vélo.

 

Le Biodôme pour s’entraîner, ce n’est pas génial! Comment faites-vous pour vous préparer sans avoir un vélodrome à proximité?

Je roule sur le plat. Je vais rouler le long de la rivière des Prairies ou encore sur le circuit Gilles-Villeneuve. Je ne vais que très rarement au vélodrome de Bromont. Cette année, par exemple, je n’y suis allé que trois fois. J’ai tellement fait de piste que la sensation revient vite. Avant une compétition par contre, j’essaie autant que possible d’avoir le temps de prendre mes repères sur place. D’une piste à l’autre, le feeling change. La piste de Manchester, ce n’est pas la même expérience que celle du Portugal. Je prends donc mes repères sur place mais sinon je ne carbure pas à l’entraînement sur piste. Il y a des maniaques qui roulent toujours sur la piste. Pas moi.

 

Trois conseils d’entraînement que vous auriez envie de partager?

D’abord et avant tout, il faut savoir qui on est : un nouveau ou un vieux cycliste? Il faut se connaître. Aussi, il faut savoir alterner entre entraînement solide et repos. Il ne faut pas trop rouler, ni faire de trop longues sorties. Inutile d’être zélé, il faut savoir se détendre et se rappeler qu’on est là pour se faire du bien, pas du mal. Et finalement, pendant la saison froide, il faut savoir entraîner ses faiblesses. Souvent la faiblesse des coureurs, c’est la puissance. La saison froide est un bon moment pour travailler sur sa puissance aérobie.

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