Paul Junique : Le ski… comme sur des roulettes
Le ski à roulettes est-il le meilleur ami hors saison du skieur nordique? Est-ce un sport à part entière? Paul Junique, un intervenant incontournable à l'Association des maîtres en ski de fond du Québec (AMSF), a bien voulu se commettre sur ces questions.
À 62 ans, Paul Junique a déjà vingt ans de roller ski derrière lui. S'il considère surtout l'activité comme une manière de garder le tempo entre les saisons blanches, force est d'admettre que ça fonctionne plutôt bien : il est le vice-recordman du Marathon canadien de ski pour le plus grand nombre d'éditions complétées « à la dure » d’une course de 160 km, avec sac à dos lesté et coucher à la belle étoile! Paul Junique est également reconnu pour être un infatigable pédagogue qui prêche sa passion du ski nordique non seulement par l'exemple, mais aussi par la parole. « Si l’on fait partie d’un club de ski de fond, c’est maintenant presque une obligation d’avoir un équipement de ski à roulettes », dit-il. L'intérêt de cette activité est d’en faire un entraînement présaison : le ski à roulettes est la discipline qui s’approche le plus de la glisse sur neige au niveau de la technique. La comparaison avec le patin à roues alignées est légitime et certains amateurs équipés de patins à châssis allongé (jusqu'à cinq roues) imitent les skieurs de skating en utilisant des bâtons. Mais compte tenu de la longueur étirée de l'empattement d'un ski à roulettes, ce dernier reproduit plus fidèlement les sensations du ski nordique; choisir entre les deux demeure toutefois une question de préférence sportive.
Rouler versus glisser
On retrace les premiers skis à roues en Europe au début du 20e siècle. Allemands, Français et Italiens développent ce matériel et sa technique. Au début des années 70, les membres de l’équipe de France de ski de fond s’entraînent en ski-roues en vue des JO de Sapporo. L'activité donne l'impression de vouloir voler de ses propres ailes et des compétitions se créent, dont même une épreuve dans les rues de Paris. Les Italiens deviennent encore plus fervents et organisent la montée du Cervin, qui attire jusqu'à 250 skieurs à roulettes.
Mais peut-on parler de sport à part entière? Si l'on se fie aux responsables de la Fédération internationale de ski, qui reconnaissent officiellement le sport depuis le début des années 1990, on pourrait le croire. Mais malgré un Championnat du monde sanctionné et des courses un peu partout en Europe, le nombre d'adeptes ne peut rivaliser avec la popularité internationale du ski de fond. Et il y a une raison bien logique à cela. Dans un style coloré et bien à lui, Paul Junique a soumis l'explication la plus plausible dans un des bulletins de l'AMSF : « Pour freiner, le chasse-neige est déconseillé puisqu’il n’y a pas de neige. Essayez plutôt la méthode suivante : 1- faire une prière, 2- baisser le bassin, 3- poser une main – gantée de préférence – à terre et 4- pivoter autour de la susdite main puis allonger les deux jambes (...) le contact sol-fesses doit se faire le plus délicatement possible. Une fois arrêté, sourire aux spectateurs, laver et soigner les plaies, ramasser les morceaux de bâtons brisés, se faire vacciner contre le tétanos, se promettre de ne plus recommencer. »
En comparaison avec l'initiation au ski nordique, disons que c'est un peu moins invitant! À cause de ces risques de casse plus élevés, on peut concevoir que bien des skieurs récréatifs s'en tiennent au fart en hiver plutôt que de s'adapter à l'huile de roulement à billes en été et en automne.
À cause de préoccupations similaires de sécurité, les lieux où l'on peut apprivoiser puis perfectionner sa pratique se font aussi rares. « Avec les bâtons, on prend plus de place qu’un vélo et ça peut être dangereux sur les pistes cyclables! » Il faut vérifier auprès des municipalités concernées avant de se lancer sur la voie publique où théoriquement, le Code de la route ne permet pas de circuler en ski à roulettes. Paul Junique suggère plutôt d’aller skier dans les nouveaux développements résidentiels, où il n’y a presque pas de circulation le jour. « Puisque, les premières fois, le freinage est loin d’être évident. Il faut choisir la rue la plus lisse et déserte possible. »
Mais pour ceux qui possèdent une solide base en ski (ainsi qu’une bonne tolérance aux éraflures et ecchymoses du début), le bénéfice d'entraînement, la griserie de vitesse et le plaisir sont au rendez-vous. Ils choisiront entre le pas classique (skis plus longs, avec roue à mécanisme antirecul) et le pas de patin, pour aller ensuite parcourir soit les chemins de tarmacadam ou ceux recouverts de poussière de roche. La plupart des entraîneurs qui œuvrent dans les clubs offrent de la formation spécialisée pour s'initier aux bonnes techniques et progresser.
Côté compétitions, il faut avoir intégré la confrérie des fondeurs sérieux pour être au courant des épreuves locales. Il existe à Québec une course récurrente de ski à roulettes : le 10 km de l’Université Laval (en septembre), volet complémentaire du Circuit des couleurs en course à pied. Sinon, un peu au sud de la frontière, l'évènement Climb to the Castle (à Whiteface Mountain, dans l'État de New York) est le rendez-vous automnal de plusieurs équipes universitaires, surtout américaines. « J'ai longtemps été le seul participant québécois à y être », confie Paul Junique. « Maintenant, on est cinq ou six à s'y rendre. Il faudrait organiser quelque chose de semblable au Québec, car depuis trois ans, je perçois une augmentation du nombre d'adeptes. » Peut-être au parc de la Gatineau où, en octobre dernier, 257 skieurs sur roues issus des clubs environnants ont tenté de faire homologuer leur rassemblement dans le Livre des Records Guinness. Qui a dit que l'engouement pour le ski de fond ne pouvait déborder des sentiers enneigés?
La liste du skieur à roulettes
- Bâtons un peu plus costauds (compte tenu de l'impact au sol plus dur), sans paniers;
- Bottes déjà usées (plutôt que d'étrenner ses nouveaux bottillons, à cause du plus grand risque d'abrasion);
- Choix de roues dures (surfaces pavées) ou de plus grosses roues pneumatiques (poussière de roche);
- Roulements à billes de bonne qualité (pour durabilité et silence accrus).
Le top 5 des pistes à rouler
(selon Paul Junique)
- Chemin Olmsted, parc du Mont-Royal (Montréal, 6 km, poussière) : pour l'accessibilité en transport en commun et le défi technique de la descente sur poussière.
- Circuit Gilles Villeneuve, Parc Jean-Drapeau (Montréal, 5 km, pavé) : pour la vitesse.
- Corridor des Cheminots (région de Québec, 30 km sur pavé + 35 km sur poussière) : pour la longueur du trajet.
- Promenade du parc de la Gatineau (Outaouais, 35 km, pavé) : pour la qualité du revêtement et les périodes d'accès réservées aux sportifs, mais prenez gare aux descentes!
- Chemin du Nordet entre Saint-Donat et Mont-Tremblant (Laurentides, 31 km, pavé) : pour la chaussée neuve, large et peu fréquentée.