Graphineige au parc national de la Mauricie

Par Frédérique Sauvée

Mis à jour le 13 décembre 2018

Chaussez vos raquettes, attrapez une boussole et réveillez le Van Gogh qui sommeille en vous : le graphineige permet de réaliser des œuvres éphémères en suivant un tracé dans le couvert neigeux. Le résultat est épatant et l’expérience, vraiment trippante.

Par un samedi de janvier glacial, nous bravons la bise matinale qui nous cingle le visage au beau milieu du lac Solitaire, dans le parc national de la Mauricie. Mon regard plongé dans les traces de raquette de mon prédécesseur, je suis religieusement la file indienne que nous formons à quatre. Un déséquilibre ou un pas de côté et je risquerais de ruiner notre chef d’œuvre en devenir.

Une belle grosse araignée tissant sa toile, c’est le dessin que nous avons choisi de reproduire grâce à nos seules traces dans la neige immaculée du lac. Appelée graphineige, cette activité qui mêle art et randonnée est une primeur du parc national de la Mauricie, le seul à la proposer au Québec pour le moment. L’équipe du parc en a eu l’idée en voyant les œuvres de Simon Beck, un artiste anglais qui parcourt les stations de ski du monde pour produire sur leurs versants des œuvres monumentales.

C’est maintenant à moi de prendre la tête du convoi, armée d’une boussole et du schéma détaillé sur papier. Je pointe l’aiguille à 36 degrés nord-est puis prends un repère dans la forêt d’épinettes en face de nous pour suivre le cap. Douze pas tracés dans la belle neige craquante, puis je m’arrête. Mes compagnons me rejoignent en tapant consciencieusement la neige dans mes pas. 72 degrés sud puis 6 enjambées de grandeur égale. Nous nous retournons, mais ne voyons à peu près rien de l’œuvre qui, petit à petit, se dessine pourtant au fil de nos pas.

Éphémère. C’est le mot qui me vient à l’esprit quand j’imagine notre travail qui sera balayé par les vents en quelques heures, puis recouvert par la prochaine bordée de neige qu’ils annoncent dans quelques jours. Mais c’est aussi ça la beauté du graphineige, un art temporaire créé dans la nature, puis effacé par la nature. L’idée géniale d’utiliser un lac gelé pour dessiner des formes qui s’effaceront pour laisser la place à d’autres artistes en herbe – ou plutôt en neige.

Après une bonne heure et demie de ce travail de fourmi à donner le tournis, nous voilà fins prêts à admirer notre œuvre vue du ciel. Nous prenons toutes les précautions pour revenir dans nos pas jusqu’à la rive, puis grimpons le sentier qui nous mène au point de vue sur le lac Solitaire. Et là, un « Woaaaaah… » général vient briser la quiétude de la forêt.

Notre œuvre s’étale à grande échelle devant nos yeux : une belle toile tissée au bout de laquelle pend l’araignée de neige. Les traces plus foncées de nos pas forment de belles lignes dans la neige; je suis agréablement surprise du résultat, et pas peu fière des réactions des autres randonneurs du parc quand ils découvrent notre travail.

« C’est vous qui avez fait ça? C’est génial, je veux revenir le faire avec mes enfants samedi prochain! », s’enthousiasme un père raquetteur. Ne vous privez pas, monsieur : d’ici là, le grand tableau du lac aura été remis à nu par la tempête et sera impatient de recevoir les nouveaux coups de pinceau des prochains artistes de la nature.

Le résultat en images :

Pratico-pratique

Activité proposée sur le lac Solitaire (de 2 à 3 h de marche et de 1 h à 2 h 30 pour le dessin) et sur le lac aux Chevaux (de 3 à 4 h de marche et de 1 h à 2 h 30 pour le dessin). Tous les samedis, de janvier à la fin mars (selon les conditions météo). Réservation obligatoire. Tarif : compris dans le tarif d'accès au parc. pc.gc.ca