Costa Rica mère-fille
Du haut de ses 22 mois, ma fille observe les bananes au-dessus de sa tête. À ses côtés, je me délie les jambes après une journée de trois vols avec un poids d’une dizaine de kilos sur les cuisses. Nous voici au Costa Rica pour un périple de près d’un mois entre mère et fille.
J’aime la découverte et l’aventure et me suis toujours promis que je transmettrai ma passion du voyage lorsque j’aurai une famille. Porter seule la responsabilité de son enfant dans un autre pays n’est pas une mince affaire, mais c’est possible si on le fait consciemment, en étant prévoyante et doublement alerte. Le sac à dos est rempli aux trois quarts de ses effets à elle : un adulte peut passer quelques jours dans un survêtement humide, pas un enfant! Il faut d’autant s’adapter à son rythme et ne pas hésiter à modifier son itinéraire.
Nous voilà donc à bourlinguer plus longtemps que prévu dans la province d’Alajuela avec ses zoos et ses rues étroites à flanc de collines le temps que Roukie, ma fille, s’acclimate et récupère de sa fatigue. On en profite pour se rendre en haut du volcan Poas qui culmine à 2 708 mètres et dont l’activité volcanique a repris il y a quelques années. Le meilleur moment pour venir y voir ses cratères est tôt le matin, lorsque le ciel est dégagé. Un coup de dés en somme puisqu’il est fréquent de voir la tête du volcan dégagée et de se retrouver dans un nuage de brouillard une fois arrivé au sommet. On repartira déçues et trempées, s’empiffrant au passage de fraises volcaniques et courant après un coati pour compenser.
Bien qu’étant une des rares choses abordables, le transport en commun n’est pas le moyen idéal pour se déplacer au Costa Rica : la plupart des départs se font à des heures trop hâtives pour réveiller bébé et il n’est pas rare d’attendre durant des heures en bord de route ou au coin d’une station-service le passage de l’autobus. Plusieurs touristes se déplacent en navette Interbus, mais le cout est onéreux. La location de voiture deviendra vite notre moyen idéal pour sillonner le pays de long en large et s’avèrera aussi plus commode et sécuritaire avec bébé.
De l’autre Costa Rica, la côte Caraïbes, à la côte Pacifique
Une fois le rythme effréné de la conduite sur les routes cahoteuses apprivoisé, nous nous dirigeons vers la côte caribéenne. On contourne rapidement Puerto Limon, un port réputé dangereux qui ne semble pas l’endroit idéal pour une mère et un bébé. Par mesure de sécurité, je n’avoue jamais que je suis seule avec elle : il y a toujours quelqu’un qui vient théoriquement nous rejoindre más tarde. Huit heures plus tard, on s’endort enfin dans un minuscule village pour se faire réveiller vers quatre heures du matin par le cri grave des singes hurleurs. Moins populaire que la côte Pacifique, la côte caribéenne gagne à être découverte avec ses plages splendides frangées de cocotiers et d’amandiers. Sa réputation nonchalante et sa cuisine épicée, issues d’une importante population afro-caribéenne, ainsi qu’une ambiance reggae lui donnent une saveur locale bien à part aux effluves jamaïcains. Dans la journée, on accède au parc national de Cahuita. Destiné à la base à préserver un récif corallien, le parc est un superbe mélange de jungle tropicale et de mangroves. Ma fille s’ébahit devant les capucins, paresseux et petits serpents. Nous parcourons ensuite Puerto Viejo, village zen et écolo, jusqu’au petit bled qu’est Manzanillo, découvrant au passage des plages noires, blanches et dorées magnifiques tandis que Roukie fait ses siestes à l’ombre des cocotiers, dans sa poussette.
On quitte cet autre monde costaricien en s’arrêtant dans une communauté indienne. Chez les Bribris, nous découvrons l’art de la transformation du cacao. Après un enlisement dans la boue avec la jeep et une grande frousse sur la trop brumeuse route Cerro de la Muerte, nous découvrons la côte Pacifique. Après la réserve de Cahuita, Manuel Antonio s’avère une grande déception. On y croise davantage de cohortes de touristes que de titis ou de paresseux. Vue de loin, la populaire Jaco ne semble pas plus invitante. On m’a d’ailleurs fortement suggéré d’éviter cette ville touristique et festive où la prostitution est bien installée. Nous contournons donc la ville balnéaire pour traverser Puntarenas, ville portuaire où l’on en profite pour faire le plein de couches, d’eau, de lait UHT et pour acheter en bord de route des melons que ma fille dévore goulûment sur son siège arrière.
La péninsule de Nicoya, paradis des surfeurs
Dès qu’on traverse le pont de la Amistad (offert par Taïwan pour remplacer le ferry en 2003 et qui relie la province de Guanacaste à la péninsule de Nicoya), on se croirait presque dans un autre pays. L’humidité des forêts tropicales glisse de l’autre côté du fleuve Tempisque vers un climat chaud et sec qui laisse place à des paysages de prairies et de plaines. Le changement de végétation est frappant avec ces allures de steppes africaines.
Une partie du plaisir de voyager réside aussi dans le lot d’imprévus auxquels il est impossible de se soustraire. Les routes de terre cahoteuses et la nuit noire repoussent ainsi notre arrivée à Samara, nous contraignant à opter pour une cabiña plutôt sombre. Le lendemain, le lever du soleil sur la mer sera toutefois magnifique. En semaine, Samara se transforme en petit coin de paradis. Cette destination familiale se voit alors désertée par les nombreux Costariciens venus l’assiéger la fin de semaine. On s’initie tranquillement à la planche, on se promène pieds nus dans les rues, on se prélasse sur la large plage de sable blanc. La côte environnante regorge aussi de quelques plages sauvages et désertes parfois difficilement accessibles en voiture. Ici, mieux vaut opter pour la bicyclette. Lors de la saison des pluies, la plupart des routes sont d’ailleurs impraticables. Même en 4x4.
Le Costa Rica possède ce charme et ce caractère sauvage que l’on cherche souvent vainement sans le trouver. On en profite pour passer quelques nuitées à l’auberge de jeunesse sympathique (qui accueillera sa plus jeune cliente!) et faire quelques saucettes dans les piscines des petits hôtels environnants tandis que les clients les ont abandonnés pour effectuer un populaire tour au-dessus de la canopée. Voyager seule avec un jeune enfant implique aussi de renoncer à certaines activités. La tyrolienne dans la jungle devra attendre!
On joue à remplir à nouveau le sac à dos (ma fille adore cela !), pour se rendre à Nosara. Cette enclave de gaillards musclés et de filles taillées au couteau est située à 30 km au nord de Samara et apparait comme le paradis du sportif en quête d’une cure diététique. Yoga sur la plage, jus frais, massages et marché bio rythment le petit village sis à même la jungle et les lianes. La flore y est superbe et la faune foisonne de singes, d’oiseaux tropicaux et de toucans. Notre duo mère-fille détonne un peu sur la plage Guiones où les surfeurs s’élancent pour dominer la vague.
Après un moment magique aux cascades de Llanos de Cortés (un secret bien gardé près de Bagaces), on explore finalement Monteverde. Parcourir 22 km à flanc de montagnes et de ravins pour se rendre à Santa Elena constitue en soi toute une aventure qui donne bien des sueurs froides. Ma fatigue et le terrible two naissant de Roukie ont tranquillement raison de moi. On visite tout de même une plantation de café organique, on mange un dernier casado et on effectue un petit trek dans la Rainforest avant de repartir. Comme chaque fois au terme de ce genre de voyage, je m’étonne toujours de la facilité d’adaptation des enfants. L’expérience est par moment exigeante, mais en vaut le coup, peu importe l’âge. L’aventure a rythmé le pas de ma fille, attisé sa curiosité, aiguisé sa capacité d’émerveillement et d’adaptation au travers d’expériences tout en tissant une grande complicité entre nous deux.
Crédit photos : Marie-Ève Blanchard